En Algérie, est-ce le Président qui fait les formations politiques ou les hommes politiques qui font le Président ? Au vu de l'ardeur, voire de l'exigence d'Abdelaziz Bouteflika, lors de son discours jeudi dernier, de n'être à la tête du pays que si la majorité absolue du peuple l'exige, il l'est alors. Le président-candidat préfère-t-il d'ores et déjà se délester du soutien trop direct pour ne pas dire très ostentatoire des partis politiques dont les gesticulations parfois outrancières le desservent plus qu'elles ne lui apportent le soutien attendu ? Enfin, Abdelaziz Bouteflika n'a-t-il pas déclaré et répété qu'il brigue ce troisième mandat et ne partira en course qu'en qualité de «candidat indépendant» ? Voilà donc trois questions auxquelles il faudra répondre et auxquelles les Algériens vont répondre. A décrypter son discours de la Coupole, même s'il ne déroge pas à la netteté de ceux déjà faits durant l'exercice de ses mandats, notamment le deuxième, le président de la République a toujours tenu à extérioriser son détachement, sinon sa non-appartenance à une quelconque formation politique, à l'exception du lien historique qu'il a avec le Front de libération national dont il a été fait président d'honneur. Le président de la République prend sans aucune forme d'ostracisme ingrat ses distances par rapport à la coalition qui se réclame de sa politique. Ainsi, ni le FLN, ni le RND et sans doute moins le MSP ne constituent à ses yeux ces champions à même de redonner à l'Algérie son sentiment d'algérianité, son statut de citoyen et, partant, une attitude d'électeur soucieux d'aller exprimer son opinion le jour où elle lui est sollicitée et non d'appréhender toute élection comme une autre violence faite à son endroit, une privauté faite sans son consentement direct. Abdelaziz Bouteflika a, de tout temps, disposé des moyens de juger, voire de jauger sa popularité à travers les deux élections présidentielles successives et constaté l'écart considérable que revêt l'engouement populaire d'une élection présidentielle par rapport aux élections locales et législatives. Les désaveux à l'endroit des candidats à ces consultations constituant à chaque fois par une démobilisation massive et, appelons les choses par leur nom, une abstention autant phénoménale qu'instructive, un désaveu cinglant à tous les gargarismes des élus. C'est donc en ce sens et surtout en ce sens qu'il a laissé entendre qu'un président n'est élu que s'il est bien élu. Et il mesure d'ailleurs cette sanction populaire par la difficulté de la tâche que le premier magistrat est appelé à accomplir et il sait évidemment son ampleur, lui qui l'a exercée à deux reprises et qu'il a confortée par des bilans qui se passent de commentaires même s'il a tenu quand même à rappeler, somme toute légitimement, à ses soutiens, notamment le peuple, et ses détracteurs l'état dans lequel se trouvait le pays et où il se trouve actuellement. Le discours du dorénavant candidat a, et c'est là une autre particularité, placé la barre haut pour les formations politiques de l'Alliance présidentielle en ce sens qu'il les met sur le même pied que n'importe quelle autre association de soutien à la future campagne. Du fait qu'il ne se repose pas sur leur stratégie et n'en fait pas son vade-mecum pour aller aux urnes au même titre que ses futurs adversaires dans la mesure où il sait que le rapport de force est en sa faveur, et pourrait-il en être autrement au vu, nous n'aurons cesse de le répéter, de son bilan et du témoignage populaire de jeudi dernier qui en est alors le meilleur indicateur. Nul n'ignorait jusque-là que Bouteflika a normalisé, et la tâche, ces dix dernières années, n'était pas facile compte tenu de tant de mauvaises habitudes, d'attitudes contraires à la morale, de mœurs politiques en déshérence, d'un environnement intérieur et extérieur très hostile, en introduisant de nouvelles règles de gouvernance qui ont le mérite d'avoir remis le pays sur orbite. Et même si l'Algérie n'est pas devenue l'éden dont ont tant rêvé ceux qui ont fait confiance à Bouteflika et renouvelé cette confiance, l'Algérie est aujourd'hui un pays stable et surtout qui peut faire face à un avenir immédiat… non plus en victime désarmée. A. L.