Ayant opté pour un cérémonial allégé et plutôt rajeuni dans la forme, M. Bouteflika a annoncé sa candidature à un troisième mandat présidentiel. En se présentant au suffrage des Algériens, le chef de l'Etat a pris la précaution de leur dire, à plusieurs reprises, qu'il est un candidat «indépendant». Cette précision, qui peut être considérée comme formelle ou une simple clause de style, n'en renferme pas moins des indications. La première est la manifestation d'une volonté d'indépendance vis-à-vis des appareils partisans et des dirigeants militaires «faiseurs de rois» depuis 1962. Dans un passé récent, à travers un ensemble de déclarations recoupées, de rumeurs plus ou moins vérifiées, de fuites réelles ou organisées à bon escient, l'opinion publique algérienne et internationale a été régulièrement nourrie de conflits virtuels ou concrets entre M. Bouteflika et des officiers au plus haut niveau. Le point culminant a été la candidature de M. Benflis et tous ses dommages collatéraux. Qu'en reste-t-il en ce début 2009, à l'orée du troisième mandat ? «Je suis candidat indépendant.» L'annonce formulée ainsi ferme d'une certaine manière la guérilla larvée menée à l'intérieur de l'Alliance présidentielle où chacun voulait «paterner» le candidat et se présenter comme le plus enthousiaste de ses supporters. Elle clôt aussi d'éventuelles polémiques, surtout à l'intérieur du FLN, plutôt engoncé devant le RND qui présente plus de discipline et d'allant, surtout au plan économique. En candidat libre, le président de la République s'impose d'énormes responsabilités et une grande solitude puisqu'il ne se revendique, comme candidat, d'aucun parti, d'aucune hiérarchie militaire et encore moins de puissances économiques et financières qui imposeraient des orientations quant à la direction que prend le pays en une période où la crise mondiale fragilise en profondeur de grandes puissances qui voient des fronts sociaux faire feu, y compris dans la rue. Dans un discours bref, M. Bouteflika, qui rompt avec la liturgie et les rites à rallonge du parti unique, s'est engagé sur des chantiers et en direction de la majorité des Algériens (la jeunesse) tout en mettant en exergue le rôle que doit jouer l'Etat au moment même où, dans les temples du libéralisme, le patriotisme économique, le protectionnisme, l'injection massive d'argent public dans l'économie sont déclinés dans toutes les langues, sur tous les continents, à commencer par l'Amérique, matrice du divin marché dans lequel une chatte ne reconnaîtrait pas ses petits. L'Etat régulateur, l'économie de marché et les IDE sont les fondements de l'économie nationale, mais selon des règles désormais revues après celles dénoncées par de nombreuses voix et les investisseurs nationaux. Si le discours était destiné simplement à formaliser l'annonce officielle de sa candidature, l'avant-goût est cependant annonciateur de réformes si M. Bouteflika entend tenir ses promesses et suivre les chemins décrits le 12 février 2009. La place stratégique de la jeunesse, l'Etat de droit, une juste gouvernance, la réduction du chômage à travers 3 millions d'emplois en cinq ans, la diversification des activités économiques hors hydrocarbures, l'égalité homme-femme par la loi ont été les grands principes du prochain mandat. Bien entendu, s'il y a objectivement de quoi «remplir les mains d'un honnête homme», les Algériens seront attentifs aux changements attendus des hommes et des méthodes et à l'apparition justement de la jeunesse qui «peut faire mieux que ses aînés». A. B.