Algérie. Le pays a célébré dans la discrétion les événements du 5 octobre 1988, alors que les spéculations sur un amendement de la Constitution et un troisième mandat de Bouteflika vont bon train et que la situation politique, économique et sécuritaire reste peu stable. Les Algériens ont-ils tiré les leçons du 5 octobre 1988 ? Si le but initial, ou du moins l'un des buts, de ces émeutes qui ont bouleversé l'histoire contemporaine du pays était d'instaurer la démocratie, il semblerait que la réponse soit bien mitigée, voire négative. Certes, la décennie noire marquée par le terrorisme et les affrontements entre islamistes armés et régime a pris fin, et le climat sécuritaire s'est amélioré. Mais, tout compte fait, l'Algérie était promise à un changement qui n'a pas eu lieu. Vingt ans plus tard en effet, c'est la grande désillusion. La construction démocratique du pays est remise aux calendes grecques, une « parenthèse démocratique » qui s'est fermée, d'autant plus que le régime s'apprêterait à effectuer un amendement constitutionnel qui permettrait au président Abdelaziz Bouteflika de briguer un 3e mandat. Est-ce donc le retour à la case départ ?, se demandent les Algériens. A quoi ont servi les réformes politiques entreprises au lendemain des événements du 5 octobre, alors que l'opposition est quasi muselée, et que le pouvoir en place tient à rester en place ? Si l'on ne peut pas nier les acquis, ils n'ont pas donné suite aux résultats attendus. L'on est passé du parti unique au pluralisme politique, du dirigisme économique à l'économie de marché, de la presse « unique » à l'ouverture du champ médiatique, les multiples maux de l'Algérie n'en sont pas pour autant réduits. Aujourd'hui donc, c'est une certaine confusion qui règne en Algérie. Annoncée à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, la réforme constitutionnelle fait actuellement l'objet d'un silence du pouvoir et d'une inertie de l'opposition, alors que les prochaines présidentielles sont prévues en avril 2009. A quelques mois de cette date, les Algériens n'ont pas d'idée claire sur le candidat qu'ils devront choisir, alors que dans tout régime démocratique, la pré-campagne électorale débute au moins un an avant les élections. Mais cela fait deux ans que l'actuel président Abdelaziz Bouteflika reste indécis, ou plutôt discret : faut-il procéder à la révision de la Constitution, ce qui lui permettrait d'effectuer un troisième mandat, ou doit-il céder sa place ? Selon les partis de la coalition nationale, la révision de la Constitution aura lieu « en temps voulu », car « chaque chose a son temps ». Révision constitutionnelle dans les « deux mois » Pour Abdelaziz Belkhadem, ex-chef du gouvernement et secrétaire général de l'instance exécutive du parti au pouvoir, le Front de Libération National (FLN), la révision constitutionnelle aurait lieu dans 2 mois. C'est ce qu'il a récemment affirmé lors d'une cérémonie organisée par son parti dans une banlieue algéroise. M. Belkhadem a, lors de cette rencontre de proximité avec les cadres de son parti, réitéré la position de sa formation politique favorable à « l'amendement de la Constitution et la candidature du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, à un troisième mandat présidentiel ». Il n'est un secret pour personne que le FLN en sera le principal bénéficiaire, eu égard au nombre de portefeuilles ministériels qui lui sont accordés et à son rôle dans les choix décisionnels au sein des appareils de l'Etat. Aussi, les partis politiques qui gravitent autour du cercle présidentiel, le Front de libération national, le Rassemblement National Démocratique (RND) d'Ahmed Ouyahia et le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) d'Abou-Djerra Soltani expriment le vœu d'amender la Constitution qui limite le mandat présidentiel. En septembre dernier, le patron du RND et actuel premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait déclaré : « Il y a deux années et demie, j'avais dit que le débat sur la Constitution était surréaliste, car au lieu de consacrer plus d'énergie au développement, on en perdait dans la spéculation. Mais aujourd'hui, son moment est venu. Elle aura lieu ». « Bien sûr, a-t-il précisé, la révision est du ressort du président, tout comme la candidature qui est une initiative personnelle, mais nous insistons pour la candidature et la réélection du président ». Cette annonce d'Ahmed Ouyahia, qui s'exprimait plus en tant que premier responsable du RND qu'en tant que chef de l'exécutif traduit le souci des autorités de couper court aux affabulations. A en croire les propos de MM. Belkhadem et Ouyahia, les deux chambres, le Parlement et le Sénat, auront à modifier l'article 74 de la loi fondamentale du pays relatif à la limitation des mandats présidentiels lors de la session d'automne. Or, de source parlementaire, il a été annoncé que cette révision ne se ferait pas lors de cette session qui s'achèverait en janvier 2009, et que dans ce cas, il pourrait y avoir un amendement par voie référendaire. Si la candidature de Bouteflika est imminente dans une conjoncture marquée par le soutien des partis de l'alliance présidentielle, l'opposition reste à la traîne dans le choix d'un candidat. Ce n'était pas le cas aux présidentielles de 1999 et 2004, lors desquelles des noms comme Hocine Aït Ahmed, chef du plus vieux parti d'opposition, le Front des Forces Socialistes (FFS), les islamistes Ali Benflis et Abdellah Djaballah ou encore le leader du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Saïd Sadi, constituaient, sinon des concurrents de taille, du moins des concurrents en bonne et due forme à Bouteflika. Le grand handicap de l'opposition réside dans le fait qu'elle ne parvient pas à s'organiser indépendamment du pouvoir. Cette opposition ne cesse de critiquer le système politique algérien, mais reste incapable de se remettre en question, ni d'apporter un vrai projet de société. Tout porte à croire donc que malgré le silence du président Abdelaziz Bouteflika, ce dernier prendra en main pour la troisième fois consécutive la destinée de l'Algérie.