«Un policier algérien tue un commerçant kabyle et se donne la mort». «Un gendarme algérien tue de sang-froid une jeune femme kabyle». Deux titres, et pas les premiers du genre, dans Siwel, l'agence d'information-désinformation du MAK, le mouvement qui milite désormais pour la séparation de la Kabylie du reste de l'Algérie. Deux faits divers, avérés ou non, sur lesquels se base le leader du Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie pour «encourager la constitution de services d'ordre et de vigilance pour parer à ce genre de dépassements inadmissibles». En attendant une hypothétique indépendance de la Kabylie, Ferhat Mhenni incite donc à la création de «services d'ordre et de vigilance pour parer à ce genre de dépassements inadmissibles». C'est là un euphémisme désignant en fait des milices ou une police parallèle à celle de la République une et indivisible. La création de cette force de sécurité parallèle a pour objectif, comme l'écrit Mhenni lui-même, de s'opposer aux forces de police et de gendarmerie présentes en territoires algériens de Kabylie. L'«encouragement» est soutenu par une terminologie tout aussi inquiétante : on remarque que le policier et le gendarme en question sont «algériens» et que leurs supposées victimes ne sont que kabyles. Sous-entendu, ces deux présumées victimes ne sont pas algériennes ! Ce discours du fondateur du MAK est certes absurde mais il est surtout dangereux car il suppose qu'il n'y a de Kabyles qu'en Kabylie et que seuls les Kabyles de Kabylie sont kabyles. Il suggère, par extension, que les Kabyles qui vivent dans le reste de l'Algérie sont seulement des Algériens, donc pas kabyles du tout ou, dans le meilleur des cas, des Kabyles douteux car vivant en… Algérie ! Surréaliste ! Cette façon de définir les choses est certes kafkaïenne mais elle fait partie d'un discours subversif, forcément destructeur car porteur d'une menace séparatiste. En dépit de son caractère franchement sécessionniste et clair depuis le début, les autorités nationales ont mis du temps pour en prendre la mesure. Et le prendre au sérieux au niveau politique en le considérant finalement comme un «mouvement fractionnaire». «Fractionnaire», le qualificatif a été enfin posé. Le MAK est donc perçu par le pouvoir central comme étant ce qu'il est : un mouvement séparatiste. Cette attitude de fermeté tardive a tout de même ceci de bon qu'elle incite à se questionner sur la réalité de cette «menace fractionnaire». Lorsque son chef schismatique affirme de plus belle qu'il n'est pas algérien sans pour autant vouloir abandonner sa nationalité algérienne, il exprime alors une liberté personnelle de vouloir être autre chose que ce qu'il est initialement. A ce sujet, pas de problème. Mais quand il revendique l'indépendance de la Kabylie après avoir prôné son autonomie, là il y a en revanche un sérieux problème. Et cela devient plus problématique encore lorsque l'idée d'un schisme kabyle fait son chemin. Pour l'instant, nos compatriotes kabyles ne sont pas dans leur grande majorité acquis à ses thèses séparatistes. C'est du moins ce que l'on constate empiriquement en l'absence notamment de sondages qualificatifs. Alors, tout en veillant rigoureusement à la préservation de l'unité nationale, il faudrait déconstruire intelligemment le discours idéologique du MAK et faire la lumière sur ses soutiens. On sait que Mhenni avait jusqu'ici l'appui affiché du Maroc et le soutien discret d'Israël qu'il a visité et dont il appuie la politique d'occupation et d'expansion coloniales. En revanche, la nouveauté, c'est l'intrusion du méphistophélique BHL qui confond désormais Kabyles et Kurdes. Les Kabyles, «ce peuple sans Etat comme le sont les Kurdes». Le grenouilleur international français, qui aime tant être l'étincelle du feu de déstabilisation des pays qui refusent de pactiser avec l'Etat sioniste, reprend à son compte une antienne du MAK. De fil autonomiste en aiguille indépendantiste, le particulariste M'henni en est venu en effet à assimiler les Kabyles aux Kurdes et la Kabylie au Kurdistan ! Pour lui, une Kabylie indépendante, c'est un nouveau Kurdistan qui serait le meilleur allié des USA et de l'Otan contre Daech. Avant qu'il ne se perçoive en Kabyle-Kurde, son discours a évolué pour passer de la régionalisation à l'autonomie avant d'évoquer une séparation nette de la Kabylie du corps national. On sait que le M'henni, fils de chahid, militant pour les droits de l'Homme et la culture berbère n'existe plus. Le Ferhat du jour n'a plus rien à voir avec le patriote unioniste et démocrate de naguère. Place donc au séparatiste devenu ami d'Israël, l'obligé du makhzen marocain et le nostalgique assumé de la colonisation française de son pays. Il n'y a pas si longtemps que ça, devant des députés UMP glorificateurs de la colonisation, il avait alors estimé qu'elle était un «regrettable accident» historique. Dans son esprit, ce «malentendu» a pour point de départ la bataille d'Icherridène en Kabylie (24 juin 1857) et pour point final l'indépendance de toute l'Algérie. Même la Libération est un «malentendu», vu qu'en 1962, «la Kabylie n'a jamais récupéré sa souveraineté transférée» par la France coloniale au pouvoir central de l'Algérie libérée. Il avait trouvé aussi que la France coloniale fut plus clémente à l'égard de la Kabylie que ne l'aurait été le régime algérien depuis 1962 : «Ce qui oppose le pouvoir à la Kabylie est bien plus lourd que ce qui a opposé la France à la Kabylie depuis 1857 jusqu'à 1962». La colonisation est ainsi absoute de tous ses crimes. Du coup, ses compatriotes au pouvoir depuis 1962, y compris ses décideurs kabyles, fort nombreux au demeurant, auraient commis des «crimes bien plus graves que ceux de la colonisation». Dans cette logique, la geste héroïque de Fathma N'Soumer et des Cheikhs El Mokrani et El Haddad relèvent d'un «malentendu» à «dissiper». Les crimes à grande échelle du maréchal Randon et des généraux Mac Mahon, Renault et Maissiat en Kabylie relèvent aussi d'un «malentendu». Dans la sémantique séparatiste du MAK, il est question également d'«ethnocide» et de «génocide» de Kabyles devenus par ailleurs les «nouveaux Juifs», les victimes supposées d'un Exodus à l'algérienne. Ces «nouveaux Juifs» sont, tout compte ethnique fait, des Kurdes kabyles ou des Kabyles kurdes ! Delirium tremens mais poison réel. A ne plus banaliser. Surtout pas à négliger. N. K.