De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Une dizaine de stagiaires, issus de la deuxième édition des Rencontres du film documentaire (RFD) de Béjaïa, organisée au mois d'octobre dernier, entameront ces jours-ci le tournage de leurs projets respectifs. Après un bref apprentissage, qui comprend une introduction théorique au cinéma du réel, une initiation à l'écriture filmique, des exercices concernant les prises d'images et de son, ainsi qu'un aperçu sur le montage des sujets, ces amateurs du septième art se mettront sous peu à l'épreuve pour réaliser leurs films. Encadrés par des cinéastes professionnels (Kaïna Cinéma de Paris, Cinéma et Mémoire de Béjaïa, et Etouchane de Roubaix), les jeunes réalisateurs qui viennent de boucler tous les préparatifs et les repérages nécessaires s'apprêtent, donc, pour de vrai, à donner leur premier coup de manivelle. L'actualité et la profondeur thématiques, ainsi que la fraîcheur de l'approche formelle et technique adoptées confèrent une importance certaine à ces ateliers. A l'exemple de Brahim Hadj Slimane, écrivain journaliste, qui se propose d'exhumer le projet théâtral de Kateb Yacine. «Il s'agit d'un film poétique. Il faut faire sienne la liberté que revendiquait Yacine dans sa création, puisque guidée par la révélation poétique. Liberté, encore, dans sa construction, sa forme et ses techniques», explique-t-il dans la présentation de son sujet, intitulé la Troisième Vie de Kateb Yacine. Dans la même veine, Emilie Petit, une plasticienne marseillaise, se propose d'embarquer deux jeunes écrivains algériens -Adlene Meddi et Mustapha Benfodil en l'occurrence- à bord d'un voilier dénommé Zitoun afin, note-t-elle, de «leur faire vivre l'expérience corporelle et mentale de la Méditerranée». Son projet, Moutawassit (Méditerranée), se décline comme un atelier d'écriture itinérant, dans cette mer du milieu, et dédié aux questions méditerranéennes. L'idée consiste à faire surgir des écritures nouvelles de cette expérience atypique. De son côté Hafida Hachem, diplômée en lettres, s'emploie à faire le portrait d'un maître algérien de la peinture non-figurative. Elle compte mettre en lumière l'œuvre prolifique, l'expérience et les techniques du plasticien Mohamed Aksouh. «Mon projet s'inscrit dans la nécessité de raconter non seulement l'itinéraire d'un artiste, mais aussi une œuvre en héritage, une mémoire», tient-elle à préciser. Moussa Ouyougoute, journaliste, a choisi de revisiter le mouvement social qui a secoué la Kabylie en 2001. «Il s'agit de voir comment la presse écrite a rendu compte de ces événements. Je compte focaliser uniquement sur la wilaya de Béjaïa, bien que le mouvement ait débordé sur d'autres régions du pays», lit-on dans la présentation de son projet. Toujours en matière de mouvements sociaux en Algérie, Abdesselam Abbaci, psychologue, s'intéresse aux syndicats autonomes et prend, en guise d'illustration, l'expérience de Redouane Osmane au sein du CLA (Conseil des lycées d'Alger). «Mon but est de montrer ce que Redouane incarne, et de raconter à travers lui l'histoire d'un peuple qui milite et revendique le droit à une vie décente», dit-il simplement. Une préoccupation également présente chez Nadia, reporter radio, qui, après un exil professionnel de 14 ans en France, entreprend de filmer son Beni Abbès natal. Il est question de capter ce qui a changé depuis, et de chercher sa nouvelle place dans le paysage. «Ce projet documentaire est pour moi la suite d'un travail de recherche sur soi, un positionnement vis-à-vis de mon Algérie, à moi. Qui suis-je sur cette terre algérienne ? Suis-je la même que sur l'autre rive de la Méditerranée ? Qu'est-ce qui fait qu'à l'heure actuelle je sois encore ''deux''. Celle d'ici et celle de là-bas ?» s'interroge-t-elle. Toujours dans cette rubrique des métamorphoses si mineures soient-elles, Hocine Omar Elfarouk, étudiant, se promet d'enquêter sur ce tabou du prosélytisme évangéliste en Algérie, alors que Nazim Mehouast a choisi de dépeindre le vécu d'enfants pensionnaires d'un centre psychopédagogique à Aokas (Béjaïa). «Suivre quelques élèves [10/15 ans] au quotidien, de l'école jusqu'au centre. Filmer leur enthousiasme, leur façon de voir l'école, un lieu qui les accepte tels qu'ils sont, qui leur donne un statut au sein d'une société marginale», tient-il à souligner. En somme, ce sont dix projets qui tentent de décrire une société qui bouge dans un pays qui se remet également en mouvement après une dramatique parenthèse.