à l'image des «gens de la Caverne» dépeints par le saint Coran, Abbassi Madani, ex-leader du FIS-dissous, est en hibernation politique. Avec lui, depuis janvier 1992, c'est toujours «arrêt sur image». La même, toujours la même. Celle de l'arrêt du processus électoral après le premier tour des élections législatives avortées du 26 décembre 1991. Chez lui, cette date est l'alpha et l'oméga de son discours politique immuable. Alors, comme pris de psittacisme aigu, il ressort, à chaque fois, l'argument de la responsabilité à la base de la «tragédie nationale». Qui est qui ? Qui en premier, et qui, plus que l'autre ? Assurément, l'ancien porte-parole du parti interdit s'est figé dans la dialectique de l'œuf et de la poule. Manifestement, ce professeur en pédagogie comparée ne connaît pas la dialectique matérialiste, contrairement à ses pairs islamistes Abdesselam Yassine et Rached Ghannouchi. Dans le cas contraire, il aurait compris que le mouvement de l'Histoire, surtout lorsqu'il porte l'empreinte du drame incommensurable, est rarement à sens unique. Cela lui aurait probablement évité de couvrir de cendres la tête de son compatriote islamiste Abou Djorra Soltani. A ses yeux, le dirigeant du MSP se serait rendu coupable d'une outrecuidante analyse sur la propre responsabilité du Front islamique du salut dans l'ouverture de la boîte de Pandore terroriste. Le président du MSP avait en fait conditionné un hypothétique retour du FIS à la vie politique à son respect de la Constitution et des lois de la République. Il avait surtout subordonné cet éventuel come back à une dénonciation claire et nette de la violence terroriste. De Doha, où il coule des jours paisibles, Abbassi Madani a voué à la géhenne son coreligionnaire en l'accusant d'avoir alors versé dans «la démence politique». Au risque que ses propres propos empruntent au même registre de «folie politique». Sur le site très visité d'Islam On Line, Abbassi Madani accorde à son ancienne formation les vertus de l'Immaculée Conception… politique. Pour lui, «le FIS est une institution constitutionnelle élue par le peuple en 1991 mais l'Etat algérien n'a pas validé les résultats de son vote». Soit. Mais l'histoire ne s'arrête pas finalement à ce statut jamais reconnu. Elle s'apprécie plutôt sur la base de la responsabilité politique partagée. Celle de l'Etat, connue, et celle évidente du FIS mais jamais admise par tous ses dirigeants, à commencer par le premier d'entre eux. A la part de responsabilité du courant salafiste et takfiriste algériens, s'ajoute nécessairement le refus obstiné de ses figures emblématiques de dénoncer le recours au terrorisme par les franges radicales et nihilistes de ce mouvement. En amnistiant l'ensemble des actes de la lutte antiterroriste, y compris les exactions, l'Etat, par le biais de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, adoptée par référendum en 2005, a finalement reconnu, implicitement, sa propre responsabilité. Les dirigeants historiques du FIS, eux, jamais la leur. Comme ils ont toujours répugné à dénoncer le terrorisme, préférant croire, ou faire accroire, qu'il serait une création exclusive de laboratoires interlopes d'une république dévoyée. Refus d'admettre sa propre responsabilité politique mais aussi négation de son rôle spécifique dans l'action schismatique ayant clivé la société algérienne, divisée dès lors en musulmans orthodoxes et hétérodoxes. En somme, entre bons et mauvais musulmans. Le refus de reconnaître sa propre responsabilité politique et religieuse dans le drame algérien traduit finalement l'incapacité idéologique et philosophique du FIS à faire son propre aggiornamento politique. Démarche d'hygiène intellectuelle qui l'aurait peut-être rendu éligible à une théorique réhabilitation politique. Laquelle, peut-être, en aurait fait une formation fréquentable comme le MSP algérien, le PJD marocain et l'AKP, le Parti de la Justice et du développement turc. Un jour, peut-être, mais sans Abbassi Madani et consorts salafistes. N. K.