En qualifiant mercredi à Alger la colonisation de «crime contre l'humanité», Emmanuel Macron a lancé une bombe qui a fait réagir au quart de tour la droite et l'extrême-droite françaises, plus que jamais crispées et agressives lorsqu'elles entendent des mots qui ne glorifient pas l'histoire de France. A l'approche du 55e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, ce sont toujours les aprioris idéologiques et le déni de vérité qu'imposent les faits qui font réagir tout un pan de la classe politique française. En qualifiant mercredi à Alger la colonisation de «crime contre l'humanité», Emmanuel Macron a lancé une bombe qui a fait réagir au quart de tour la droite et l'extrême-droite françaises, plus que jamais crispées et agressives lorsqu'elles entendent des mots qui ne glorifient pas l'histoire de France. A l'approche du 55e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, ce sont toujours les aprioris idéologiques et le déni de vérité qu'imposent les faits qui font réagir tout un pan de la classe politique française. Le ton a été donné dès mercredi soir par François Fillon lors d'un meeting électoral d'une élection présidentielle où il est dans une mauvaise posture à cause d'une affaire de détournement de derniers publics. «Cette détestation de notre histoire, cette repentance permanente, est indigne d'un candidat à la présidence de la République», a déclaré l'ancien Premier ministre de Sarkozy qui a ajouté : «Il y a quelques temps, M. Macron trouvait des aspects positifs à la colonisation. Ça veut dire qu'Emmanuel Macron n'a aucune colonne vertébrale. Il dit simplement ce que ceux qui l'écoutent veulent entendre.» Pourtant, le même Fillon, qui a affirmé, en novembre dernier, que la colonisation c'était la France qui partageait sa culture, a déclaré il y a six jours à la Réunion que cette colonisation est «une abomination» ! N'est-ce pas un exercice électoraliste destiné uniquement à plaire aux «indigènes» réunionnais ? Après leur chef, des responsables et députés des Républicains ont laissé libre cours à leurs critiques sur celui qui a osé dire que la colonisation est un crime contre l'humanité. Un échantillon : «Une faute politique grave» (Eric Ciotti). «Je veux condamner avec force ces propos qui sont une faute politique ! Emmanuel Macron compare la colonisation de la France à de la barbarie ! C'est une grave faute politique» (Christian Estrosi). «Honte à Emmanuel Macron, qui insulte la France à L'étranger» (Gérald Darmanin). L'extrême-droite avec le Front national, n'est pas en reste : «Crimes contre l'humanité, M. Macron, les routes, les hôpitaux, la langue française, la culture française ? Stop à cette repentance permanente» (Florian Philippot, vice-président). «Macron, le candidat des élites, des banques, des médias et… de la repentance» (Marion Maréchal Le Pen, députée). Intervenant en pleine campagne électorale présidentielle, la question de la criminalisation de la colonisation n'est peut-être pas pour déplaire à ces forces politiques. Pour Fillon, l'introduction de ce thème peut lui servir à détourner l'attention de ses déboires judiciaires qui sont cependant si présents que la diversion s'avère déjà veine. Pour l'extrême-droite, il n'y aura certainement pas de dividendes en bulletins de vote mais conforte le noyau dur de son électorat. Pour sa part, la gauche est restée presque silencieuse, n'étant pas piquée à vif par les propos de Macron. Mais l'absence de réaction interpelle. Benoît Hamon, le candidat socialiste à la présidence, a bien fait une intervention radiophonique hier matin, mais il est resté tout en nuances. C'est la ministre du Logement, l'écologiste Emmanuelle Coste, qui s'est exprimée pour dire : «Moi, je n'utiliserai pas le terme de crime contre l'humanité parce que c'est une notion juridique très particulière et je pense qu'il faut utiliser les bons mots aux bons endroits. Mais dire que la colonisation fait partie de notre histoire et que c'est une horreur de notre histoire, je pense qu'il faut le dire.» Par contre, ce terme, il se l'approprie le directeur du journal Libération. Dans sa quotidienne «Lettre de campagne», il rafraîchit les mémoires en écrivant : «Pour qui considère d'un œil froid l'histoire algérienne, difficile de ne pas qualifier de ‘‘crime contre l'humanité'' les «enfumades» commandées par le général Cavaignac ou le général Bugeaud lors de la conquête, et qui consistaient à asphyxier avec de grands feux de bois des centaines, voire des milliers, d'autochtones, hommes, femmes et enfants, réfugiés dans des grottes. De même, la féroce répression qui a suivi les émeutes de Sétif en 1945, totalement disproportionnée, avait pour objet de répandre une terreur punitive et dissuasive sur la population algérienne, qu'elle ait ou non participé aux troubles du 8 mai. Longtemps occultées, les horreurs de la ‘‘pacification'' coloniale glacent rétrospectivement le sang.» Mais, au regard de toutes leurs réactions, la droite et l'extrême-droite françaises tiennent à toujours fermer les yeux sur les horreurs et les crimes commis par le colonialisme, en Algérie et ailleurs, fidèles à leur vision enjolivée de l'histoire de leur pays. Ces réactions ont été si vives et caricaturales qu'Emmanuel Macron s'est senti obligé de poster une vidéo sur sa page Facebook pour s'expliquer. Il a assuré qu'il ne céderait «rien à tous les responsables politiques qui aujourd'hui cherchent à instrumentaliser notre histoire, à instrumentaliser mes propos à des fins clientélistes ou électoralistes». Dans ce message, il s'adresse notamment aux pieds noirs pour leur dire : «Mes propos n'étaient pas destinés contre vous, en rien. C'était simplement reconnaître une responsabilité de l'Etat français et nous ne devons pas nous dérober.» M. M.