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Emanuel Macron a raison : la colonisation est un crime contre l'humanité ! Premier politique sous la Ve République française à aller aussi loin dans la qualification des crimes coloniaux en Algérie
En déclarant que «la colonisation est un crime contre l'humanité, une véritable barbarie», le candidat à l'Elysée Emmanuel Macron a déclenché un tsunami d'indignation en France. Notamment dans le monde politique et surtout dans les milieux de droite et d'extrême droite. C'est à peine si on n'a pas sorti la guillotine pour lui ! En déclarant que «la colonisation est un crime contre l'humanité, une véritable barbarie», le candidat à l'Elysée Emmanuel Macron a déclenché un tsunami d'indignation en France. Notamment dans le monde politique et surtout dans les milieux de droite et d'extrême droite. C'est à peine si on n'a pas sorti la guillotine pour lui ! Les uns comme les autres placent ses propos sur les terrains juridique, politique et moral. Il est vrai que d'un point de vue strictement juridique français, la qualification de la colonisation de crime contre l'humanité est nulle et non avenue. Pour la simple raison que les juristes et magistrats français ont produit dans les années 1990 une définition du «crime contre l'humanité» qui n'inclut pas la torture, les exécutions sommaires et les massacres commis par l'armée française notamment pendant la guerre d'indépendance algérienne. Et il y a eu aussi les lois d'amnistie du général de Gaulle amnistie pour cette période. Donc, juridiquement, cette amnistie est inattaquable. Mais l'approche juridique n'épuise pas pour autant la question et ne clôt pas le débat sur les plans politique et moral. La meilleure preuve en est le vaste écho donné aux déclarations d'Alger d'Emmanuel Macron. On peut certes penser que ses affirmations ne sont que des intentions électoralistes pures. Mais qu'on le veuille ou non, les réactions violentes et chauvines qu'elles ont suscitées montrent que ce ne sont pas finalement des paroles en l'air. Elles engagent finalement la responsabilité de leur auteur et ont surtout un sens politique et philosophique indéniable. La déclaration d'Alger d'Emmanuel Macron révèle en tout cas, en en grossissant le trait, que le révisionnisme colonial est inscrit dans l'ADN de la droite et de l'extrême droite en France. Chez les uns et les autres, la colonisation française est un roman national qui a les allures de l'épopée et le fond d'une œuvre de civilisation. D'où cette propension à accuser Emmanuel Macron d'avoir commis un crime impardonnable contre la France en qualifiant la colonisation de crime contre l'humanité ! Pour les uns et les autres, le crime n'est pas finalement le colonialisme, mais sa simple dénonciation publique par un homme politique aspirant aux plus hautes responsabilités politiques nationales ! Et les uns comme les autres opposent aux déclarations d'Emmanuel Macron des propos essentialistes et des affirmations négationnistes. De leurs points de vue respectifs, la colonisation ne fut qu'une œuvre de miséricorde chrétienne et une entreprise de civilisation, vouée au bonheur exclusif de l'indigène. Cette thèse négationniste, qui a plus que jamais cours en France et qui trouve de plus en plus d'adeptes parmi les Algériens du pays et de la diaspora, prétend que la conquête de l'Algérie n'a pas été un bain de sang, un projet d'anéantissement, un génocide. Elle aurait été plutôt une domination exercée par les colons pour mieux civiliser les indigènes. Les tueries collectives, les massacres, les enfumades consécutives à la conquête, les crimes perpétrés ensuite durant les périodes de consolidation de la colonisation, comme les massacres du 8 Mai 1945, n'auraient été que de simples «bavures» militaires, des excès imputables au «racisme colonial». Les Bugeaud, Saint-Arnaud, Pélissier, Cavaignac, Mac-Mahon, Chanzy et Clauzel n'ont pas existé ou n'auraient été que des Pères Blancs en goguette ! Mais n'est-ce pas Saint-Arnaud qui, dans une de ces correspondances, écrivit en 1843, de retour d'une énième expédition guerrière dans l'Ouarsenis : «Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit ! C'était la malheureuse population des Bani-Naceur, c'étaient ceux dont je brulais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi.» Sur la dépossession brutale des Algériens, le maréchal Bugeaud écrivit lui-même que «la guerre contre les civils, l'incendie des récoltes pour obliger les indigènes à se soumettre et à mendier de la nourriture, a bien eu lieu.» Et, comme le recommande le professeur de philosophie, chargé de cours en relations internationales et politologue Bruno, il faut relire ce qu'écrivait Aimé Césaire en 1955 dans son Discours sur le colonialisme. Il citait le colonel De Montagnac, l'un des violents conquérants de l'Algérie : «Pour chasser les idées qui m'assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d'artichauts mais bien des têtes d'hommes.» Aimé Césaire donnait aussi la parole au comte d'Hérisson : «Il est vrai que nous rapportons un plein baril d'oreilles récoltées, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis.» Difficile donc de nier d'autre part la négation systématique des indigènes, l'appropriation forcée de leurs terres, le Code de l'Indigénat, ce projet de racisme institutionnel qui tenait les autochtones comme indignes d'être des citoyens, malgré la départementalisation de 1881. Et, par ailleurs, la crise démographique de 1830 à 1872 n'est pas due uniquement aux famines, à la sécheresse, aux calamités naturelles et aux épidémies. Elle est également imputable à la répression régulière. La spoliation systématique des bonnes terres a augmenté la mortalité. La dépossession foncière a servi d'assiette à la francisation des terres, grâce notamment à la loi Warnier de 1873. Ce texte, qui a cassé l'indivision des terres, a permis de déposséder les Algériens de 2 millions d'hectares à la veille de 1914. La colonisation fut d'autant plus implacable que les grandes conventions internationales n'étaient pas encore en vigueur. Sinon, comment expliquer qu'en 1962 la population algérienne était pratiquement à son niveau de… 1830 ? Si les Algériens étaient «juridiquement français» et n'étaient victimes que d'un racisme ordinaire, comment comprendre alors qu'ils furent maintenus en situation permanente de faiblesse économique et sociale ? Des nationaux de seconde zone, interdits de citoyenneté et de la loi française, sauf quelques privilégiés parmi les notables musulmans. Exclus des catégories élevées de la fonction publique et de l'armée autres que subalternes, oubliés de l'instruction publique, hormis en quelques milieux urbanisés restreints. Dans une lettre intitulée A la commission du Sénat, la question indigène par un Français d'adoption, Louis Khodja, leader intellectuel du mouvement des Jeunes musulmans se demandait : «Est-ce que la France doit abandonner l'œuvre, aussi noble que charitable, d'élever l'Arabe à son niveau social ?» Louis Khodja et les assimilationnistes, comme à ses débuts Ferhat Abbes, durent déchanter, se ralliant plus tard au choix historique des armes. La ligne apologétique de la colonisation, négationniste par effet induit, est désormais partagée par des Algériens qui n'hésitent plus à considérer l'Algérie colonisée comme une France pour eux perdue. A l'image d'historiens et d'hommes politiques français essentialistes et négationnistes qui pensent que le problème n'était pas, hier, la colonisation, mais le simple racisme colonial. Pis encore, ce racisme colonial serait aujourd'hui représenté par les héritiers mêmes du FLN ! Donc, selon ces harkis volontaires de la mémoire coloniale sélective et raciste, supplétifs des historiens et hommes politiques apologistes de la colonisation, c'est l'Algérie qui doit donc s'excuser d'avoir refusé une grande œuvre civilisatrice, le Premier novembre 1954. Larbi Ben M'hidi, au secours ! N. K.