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«La France doit aller plus loin dans la reconnaissance de ses crimes commis en Algérie» L'historien Gilles Manceron, spécialiste du colonialisme français :
Dans un entretien accordé à l'APS, à Paris, l'historien Gilles Manceron a évoqué la brûlante question portant sur la nécessité pour la France de reconnaître ses crimes en Algérie. Spécialiste du colonialisme français et auteur de plusieurs livres et interventions sur le sujet, l'historien a clairement dit que la France doit aller plus loin dans la reconnaissance de ses crimes. Et cela pas seulement dans le souci d'apaiser les relations entre les deux pays, mais aussi pour mettre fin à la discrimination, voire au racisme, née de la domination coloniale. «Il faut que la France aille plus loin dans la reconnaissance des crimes qui ont marqué sa période coloniale. Il faut des gestes forts de la part des plus hautes autorités du pays», insiste Gilles Manceron, considérant que «c'est une condition indispensable, non seulement pour que s'établissent des relations apaisées entre la France et l'Algérie, mais aussi pour faire reculer efficacement le racisme au sein de la société française». Se voulant plus précis, il expliquera, dans le même entretien, que «la domination coloniale entraînait des discriminations, des injustices et des crimes. Certains de ces crimes, comme les massacres du 8 mai 1945 dans l'est de l'Algérie, peuvent être assurément qualifiés de crimes contre l'humanité». Et d'exprimer sa désolation devant le fait que «la France avait affirmé le principe d'égalité des humains mais ne l'applique pas. C'est le paradoxe de la colonisation. Elle a développé un discours de justification en contradiction avec la réalité». En lien direct avec cette question, la présence des crânes de résistants algériens au Muséum national d'histoire naturelle (Mnhn) de Paris. Des crânes plusieurs fois réclamés de manière officielle par l'Algérie, mais en vain. Pour reprendre les mots de Manceron, la présence des crânes au Mnhn est «une preuve de la barbarie coloniale». Et le spécialiste de citer parmi eux «le crâne du cheikh Bouziane, chef de la révolte de Zaâtcha en 1849, écrasée par une terrible répression emblématique de la violence coloniale. Celui de son fils, âgé de quinze ans et aussi son compagnon, Si-Moussa Al-Darkaoui, tous deux fusillés sur place puis décapités», et ceux «d'autres résistants comme Al-Hachimi, Al-Hamadi, et chérif Boubaghla, le principal résistant de Kabylie et d'Algérie dans les années 1851-1854, après la défaite d'Abdelkader, ceux de Moktar Al-Titraoui et de son fils, du chérif Bou Kedida, tué sous les murs de Tebessa». Gilles Manceron affirme que «ce serait un geste important de la part de la France, par une restitution solennelle rendant hommage à ces patriotes algériens, de sortir de l'oubli ces pages sombres de l'histoire de la France dont l'effacement participe aussi aux dérives xénophobes qui gangrènent la société française». Commentant les récentes déclarations du candidat à la présidentielle française, Emmanuel Macron, l'historien dira : «Macron a eu le mérite de lancer un pavé dans la mare dans la campagne présidentielle française, en disant clairement que la colonisation était un crime contre l'humanité. C'est très probablement parce qu'il appartient a une génération qui n'a pas vécu la période coloniale.» Il déplorera toutefois que cela ne vienne pas des anciens qui ont vécu justement cette période. Il dira : «C'est au sein des générations les plus anciennes qu'on trouve le plus de réticences à une condamnation claire de la colonisation. Des gens de ces générations se sentent perdus. Ils ont l'impression que leur France a disparu. Les jeunes voient les choses autrement.» Concernant toujours les déclarations de Macron, il ajoutera que ce dernier «est loin d'être un expert de cette histoire au sujet de laquelle il a dit, d'ailleurs, ensuite des choses contradictoires et mal informées». Et l'historien de terminer par l'évocation de De Gaulle mais aussi des nostalgiques de la colonisation : «C'est au sein de la droite et de l'extrême droite française qu'on trouve la reprise la plus insensée de l'idéologie coloniale et les discours racistes et islamophobes qui en sont la continuation. Le général de Gaulle a constitué, d'une certaine manière, une exception pour la droite mais après sa mort, les forces nostalgiques de la colonisation ont repris de la force au sein de la droite française, l'extrême droite s'est affirmée et Nicolas Sarkozy a renforcé, dans les années 2000 à 2016, le discours nostalgique de l'époque coloniale. La droite a oublié le jugement sévère de De Gaulle sur la colonisation». K. M.