La reprise du Croissant pétrolier par le maréchal Haftar place le gouvernement d'«union nationale» de Faïez Sarraj, la seule autorité reconnue par la communauté internationale, dans une situation embarrassante. Les combats se sont intensifiés au cœur du Croissant pétrolier, poumon économique de la Libye, où les forces loyales au maréchal Haftar, l'homme fort de l'Est libyen ont repris l'avantage face aux assaillants qui les avaient délogés de la zone dix jours plus tôt. Selon des agences de presse, les forces de Haftar ont rétabli leur contrôle sur Ras Lanouf et Sidra, deux des ports de cet arc de terminaux pétrolier situé en bordure du golfe de Syrte. Les combats auraient fait 21 morts parmi les forces de l'ANL, selon des sources locales. Principale plate-forme d'exportation du brut libyen, le Croissant pétrolier demeure une région stratégique. La Brigade de défense de Benghazi (BDB), une force d'obédience islamiste, avait contrôlé contre toute attente, cette importante zone le 3 mars. Ce groupe avait résisté à une première série de ripostes aériennes des troupes de Haftar. Le rapport des forces lui est ensuite devenu défavorable alors que l'Armée nationale libyenne ANL massait des troupes aux abords du Croissant pétrolier. La reprise de ce dernier par Haftar place le gouvernement d'«union nationale» de Faïez Sarraj, la seule autorité reconnue par la communauté internationale, dans une situation embarrassante. Sarraj n'a que mollement condamné la percée militaire de la BDB du 3 mars, donnant l'impression qu'il s'en satisfaisait. Si la BDB et le gouvernement de Sarraj ne sont pas formellement liés, ils partagent le même adversaire en la personne du maréchal Haftar. Depuis un an, ce dernier est le principal obstacle à la mise en place de l'autorité de Sarraj, privé de l'investiture du Parlement de Tobrouk, dominé par les amis de Haftar. La BDB est l'émanation du Conseil de la choura révolutionnaire de Benghazi, un complexe de groupes s'inscrivant dans l'héritage de la révolution anti-kadhafiste de 2011 mais où certains noyaux djihadistes, des proches d'Al-Qaida et d'autres de l'organisation Daech, avaient trouvé leur place. Cette mouvance combattait les forces du maréchal Haftar qu'elle dénonçait comme un «putschiste» aux visées «contre-révolutionnaires». De son côté, le maréchal, soutenu par une partie significative de la population de la Cyrénaïque se posait en champion de la «lutte antiterroriste». Appuyé par l'Egypte, les Emirats arabes unis et des unités spéciales de pays occidentaux - dont la France et les Etats-Unis -, le maréchal était parvenu à reprendre l'essentiel de Benghazi à ses adversaires du Conseil de la choura révolutionnaire de la ville, qui ne résistaient plus que dans certaines poches. Cette bataille de Benghazi s'était accompagnée de destructions de quartiers entiers et du déplacement de centaines de familles issues des groupes anti-Haftar. Les derniers développements du Croissant pétrolier mettent à mal les efforts diplomatiques, en particulier ceux des pays voisins visant à ramener tous les protagonistes de la crise libyenne autour d'une table de négociations. Six ans après l'intervention de l'Otan et le renversement du régime de Kadhafi, l'impasse libyenne est toujours de mise. R. I.