De notre envoyée spéciale à Hammamet (Tunisie) Faouzia Ababsa C'est indiscutable. L'UGTA est en avance par rapport aux autres mouvements syndicaux. Qu'il s'agisse du Maroc, de la Tunisie, de la Jordanie et dans une moindre mesure la Palestine, l'organisation syndicale algérienne demeure à l'avant-garde des luttes des travailleurs. La conclusion, à laquelle beaucoup de participants au forum syndical, qui se tient depuis lundi à Hammamet, en Tunisie, ont adhéré, est sans appel. Que ce soit en termes de nombre d'adhérents, de fonctionnement ou de représentativité féminine, l'Algérie, à travers la centrale syndicale UGTA occupe la première place dans le monde arabe. Le rapport présenté par Saada Rahmani, de la commission des femmes travailleuses, de l'instance dirigée par Abdelmadjid Sidi Saïd, l'a démontré. Cela, au moment où le mouvement syndical connaît un certain recul sur le plan international du fait de la mondialisation et de la globalisation de l'économie. Mme Rahmani a mis en évidence toutes les difficultés que les femmes syndicalistes ont éprouvées pour parvenir à s'imposer au sein de l'organisation syndicale, tant il est vrai que les résistances à toute accession de la femme aux postes de responsabilité dans les structures verticales ont la peau dure. C'est en 2000, après moult sit-in, rassemblements et contestations que le 10e congrès de l'UGTA a consacré, dans ses statuts, la création de la commission des femmes travailleuses. Mais cela est resté au stade des statuts qui ne sont brandis, faut-il le souligner, que lorsqu'il s'agit de cas disciplinaires. Il a fallu aux femmes syndicalistes un travail de mobilisation sans précédent, l'occupation des espaces autrefois monopoles des syndicalistes hommes, une campagne de sensibilisation à l'échelle du territoire national pour la mise en place des commissions de wilaya, pour qu'enfin les femmes syndicalistes arrivent à s'imposer. Abdelmadjid Sidi Saïd, qui n'était pas opposé à cette question, mais faisait face à des résistances, y compris au niveau du secrétariat national, a fini par la soutenir et réussi à imposer au 11e congrès l'entrée à la commission exécutive nationale (instance suprême de l'UGTA entre deux congrès) 15 femmes syndicalistes élues par leur base, faut-il le préciser. Alors que la CEN n'en comptait qu'une seule lors du 10e congrès. Un acquis qui n'a pas été sans impulser l'action de la commission des femmes travailleuses, qui a redoublé d'efforts en menant une campagne de sensibilisation pour que les femmes intègrent de plus en plus les sections syndicales, car cela représente un visa pour l'accession aux postes de responsabilité. Plus elles sont nombreuses, plus elles influent sur les structures locales et fédérales. Et pour faire un peu dans les statistiques, signalons que sur 1 675 800 adhérents effectifs à l'UGTA, 251 370 sont des femmes. Ce qui représente 15% de l'ensemble, dont 8 000 sont responsables de structures horizontales (unions locales, de wilaya, de sections syndicales ou de syndicats d'entreprise). Ce sont des statistiques qui ont à la fois agréablement surpris et étonné l'assistance, qui pensait que le taux de syndicalisation des femmes en Algérie était insignifiant. Surtout que, comparée au syndicats marocains et tunisiens, l'UGTA peut se targuer d'avoir accompli un travail titanesque en matière d'adhésions, en dépit de l'émergence de syndicats autonomes, au demeurant corporatistes. Au Maroc, à titre d'exemple, le syndicat est très faible et la présence de femmes syndicalistes l'est encore plus. Il n'y a pas d'élections, mais des désignations, ce qui fait de l'organisation un cadre antidémocratique. Les femmes syndicalistes qui ont présenté le rapport concernant la question au royaume chérifien n'ont pas manqué de relever ce handicap, mais surtout mis en exergue l'épée de Damoclès qui pèse sur les syndicalistes, en l'occurrence l'article 288 du code du travail qui permet l'arrestation et la répression des syndicalistes. Cela réduit l'Union des travailleurs marocains à sa plus simple expression au moment où les conditions de vie dans le royaume sont à la limite de la misère. 70% de main-d'œuvre active dans l'informel, le taux de mortalité infantile est élevé et l'analphabétisme est criard. La Tunisie n'est pas mieux lotie. En dépit des lois liberticides consacrant les droits des travailleurs et des femmes, le même constat peut être calqué. A l'UGTT, les responsables syndicaux sont désignés mais non élus. Le secrétaire général de cette organisation est âgé de plus de 80 ans. Le taux de syndicalisation est des plus faibles, notamment chez les femmes. Quant à la Jordanie, c'est carrément le ministère du Travail qui décide de tout. Le syndicat est pratiquement créé par lui et c'est lui qui désigne ses responsables. La responsable jordanienne de la commission des femmes travailleuses est elle-même cadre supérieur au sein de ce ministère et donc juge et partie. Son intervention a d'ailleurs outré, puis choqué tout le monde, à telle enseigne qu'elle a suscité des réactions intempestives. Elle ne s'est en effet pas encombrée de scrupules pour dire que la commission qu'elle dirigeait n'était pas gênée par la présence ou plutôt la chapelle de la gent masculine dans ladite commission et que tout se faisait sous la houlette et le bon vouloir du roi et du gouvernement. Cette même responsable, ayant essuyé les critiques de ses pairs maghrébines, a tenté de se venger lorsqu'elle a présidé la séance d'hier, consacrée au rapport de la délégation algérienne. Elle avait en effet décidé, contre toute attente, de limiter les interventions en faisant dans la sélection, et tenté d'arracher la parole aux Algériens qui voulaient la prendre. Mais, c'était compter sans la détermination des syndicalistes de l'UGTA.