Connue pour la force de son armée, accusée de se financer grâce au trafic de drogue, la minorité ethnique des Wa est un acteur clé des pourparlers de paix en Birmanie, et derrière elle, plane l'ombre de la Chine. Depuis mercredi, des centaines de délégués des différents groupes ethniques du pays sont réunis dans la capitale birmane Naypyidaw pour ce second tour de négociations mais tous les yeux sont braqués sur les représentants de l'Armée unie de l'Etat Wa (Uwsa). Depuis son indépendance en 1948, la Birmanie, où vivent plus de 130 ethnies différentes, est confrontée à des soulèvements de groupes qui réclament plus d'autonomie. Après des décennies de combats et de débats alambiqués, aucun modèle d'Etat fédéral n'a encore clairement émergé mais l'arrivée historique au pouvoir du parti d'Aung San Suu Kyi il y a un peu plus d'un an avait soulevé de grands espoirs. Et la Dame de Rangoun a fait du processus de paix sa grande priorité même si sur le terrain les combats ont repris avec force dans plusieurs régions frontalières. Forte d'une armée d'environ 25 000 hommes, l'Uwsa, qui contrôle un large territoire à la frontière avec la Chine, s'est imposée ces derniers mois comme un acteur politique en formant un nouveau bloc représentant sept armées ethniques du nord-est du pays. Le nouveau bloc formé par les Wa comprend des membres de l'Alliance du Nord, une coalition d'insurgés partie prenante des récents affrontements qui comptent parmi les plus violents observés depuis des décennies. Ils seront les seuls à rencontrer Aung San Suu Kyi pour des discussions bilatérales en marge du sommet. Mais les relations sont très tendues avec le pouvoir. L'Uwsa a interrompu en 1989 la lutte armée contre la junte alors au pouvoir en échange du contrôle d'une partie du territoire. Leur lien avec le puissant voisin chinois sont très forts : les Wa parlent mandarin, ils utilisent la monnaie et le réseau mobile chinois. Et la Chine a souvent été accusée de fournir des armes à l'Uwsa - une affirmation niée par le groupe. L'implication croissante des Wa dans les pourparlers de paix actuels offre donc à Pékin la possibilité de mettre complètement un pied dans le processus alors que la Chine cherche à exploiter les vastes réserves de pierres précieuses et de bois de la Birmanie. Et Pékin est désireux de sécuriser les régions frontalières pour des raisons économiques et stratégiques. La Chine veut mener à bien son projet stratégique «One Belt One Road», visant la construction d'infrastructures d'envergure via l'Eurasie et la Russie, pour atteindre l'Europe. Et cette route passe par la Birmanie.