Face à la contestation pacifique et durable des Rifains, le Makhzen donne la nette impression de ne plus savoir où donner de la tête et même de l'avoir perdue ! En effet, tout en choisissant désormais la répression directe du mouvement de protestation incarné par le Hirak de Nasser Zefzafi, il évoque une «main étrangère» manipulatrice. Et n'hésite donc pas à orienter les soupçons vers l'Algérie. Il y a d'abord un nouveau communiqué du procureur général du roi près la Cour d'appel d'Al Hoceima, Mohamed Aqwir, qui affirme que «les premiers éléments de l'enquête ont révélé que les personnes impliquées (…) ont bénéficié de transferts d'argent depuis l'étranger ainsi que d'un appui logistique pour mener des campagnes portant atteinte à l'unité du royaume et ses institutions ainsi qu'aux symboles de l'Etat». L'Algérie n'est pas citée nommément mais elle est implicitement pointée du doigt. Le procureur général du roi reprend ainsi, sans en apporter le moindre début de présomption de preuve, les dénonciations calomnieuses colportées par une poignée de journaux marocains de la presse écrite et en ligne, et surtout par des internautes, proches du pouvoir, sur les réseaux sociaux. Il en est ainsi du Corcas, le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes, qui a été l'un des plus actifs et les plus virulents sur Twitter. Cette officine du Makhzen n'a pas hésité à affirmer que «les services secrets algériens ne réussiront jamais à Al Hoceima ce qu'ils n'ont pas réussi au Sahara Occidental». Ces Sherlock Holmes à deux balles, qui carburent à l'intox la plus noire sur les réseaux sociaux, ont même réussi la performance inouïe de débusquer la «main étrangère» incarnée par l'agent secret algérien en chef au Maroc, et qui n'est autre finalement que le journaliste espagnol José Luis Navazo, un correspondant au royaume de divers titres de la presse espagnole. Marié à une Marocaine, ce confrère, très actif à partir de Tétouan où il réside, avait pourtant été le premier journaliste étranger à avoir interviewé le nouveau Premier ministre du roi Saâd Eddine El Othmani, pour le compte du Correo Diplomatico, journal en ligne créé à Rabat par des journalistes espagnols ! A en croire ces affabulateurs de bazar, les héritiers de l'historique DRS algérien ont été tellement habiles et efficaces qu'ils ont placé un ami personnel du Premier ministre marocain, à la tête de leur antenne clandestine au Maroc ! Si tel était le cas, le président de la République algérienne devrait adresser, au plus vite, ses félicitations les plus appuyées à son coordinateur des services spéciaux et l'élever par la même occasion à la haute dignité de «Sadr» ! En guise de preuves des liens présumés avec les contestataires rifains, les relais ridicules du Makhzen, comble du ridicule, exhibent des photos montrant le fameux passe-muraille algérien en compagnie de Nasser Zefzafi ! Des photos qui ne le présentent pas dans une rue étroite et sombre, un estaminet glauque ou dans un tout autre endroit interlope, mais assis dans un salon où il était interviewé tranquillement par José Luis Navazo et d'autres journalistes espagnols. Comme en août 1994, date à laquelle le Makhzen avait officiellement accusé le DRS d'avoir commandité l'attentat terroriste de l'hôtel Atlas-Asni, et absolument à tort tel qu'il sera prouvé ultérieurement, le Makhzen verse dans une fuite en avant éperdue. Mais il joue aussi avec le feu ! N. K.