Le mouvement de contestation populaire «Hirak» du Rif dans le nord marocain ne décolère pas. Il ne cesse de s'élargir pour gagner en mobilisation et sympathie des populations dans plusieurs grandes villes marocaines, dont Marrakech, Fès, Casablanca, Kenitra voire même Rabat, la capitale économique du Royaume dont on connaît l'indifférence affichée au mouvement. Dans toutes ces villes aux couleurs de la contestation rifaine, les manifestants affichent un «soutien indéfectible et sans équivoque» aux rifains et réclament la libération immédiate des détenus dont le leader de la contestation Nacer Zefzafi. Le «Hirak», mouvement qui chapeaute la contestation rifaine depuis la mort de Mohcine Fikri, poissonnier broyé dans une benne à ordures alors qu'il tentait de récupérer une partie de la marchandise que la police royale venait de lui saisir avant de la jeter dans une benne à ordures, est donc désormais un mouvement marocain national ne concernant plus seulement la province d'Al Hoceima. Et ce, en dépit des multiples tentatives machiavéliques des autorités de casser le mouvement, en le présentant comme étant «sectaire», qualifiant ses meneurs «d'agents de l'étranger», notamment de l'Algérie. Les autorités du Makhzen, comme tout autre système autoritaire, se sont appuyées sur tous les moyens possibles, faisant recours à des méthodes diaboliques pour étouffer une contestation grandissante, pas près de s'essouffler. «Les services secrets algériens ne réussiront jamais à Al Hoceima ce qu'ils n'ont pas réussi au Sahara occidental», écrit le Conseil consultatif les affaires sahariennes (Corcas) sur son compte Twitter. Et ce n'est qu'un exemple d'une machine de diabolisation lancée par le roi, sa clientèle et ses larbins pour porter atteinte au digne combat des jeunes marocains. «Actuellement, la situation est préoccupante et le pouvoir semble opter pour la solution répressive au vu des déclarations haineuses et provocantes des partis de la majorité gouvernementale, qui n'hésitent pas à dénigrer le Mouvement populaires des populations du Rif, traitant les manifestants pacifiques d'antipatriotes, les accusant de séparatistes financés par l'étranger», a réagi, hier, la Coordination des organisations démocratiques marocaines de France pour la dignité, contre l'Impunité et la Hogra, dans un communiqué. Cette association, créée après l'assassinat de Mohcine Fikri et le soulèvement populaire qui s'en est suivi dans la ville d'Al Hoceima pour se propager dans tout le Nord et dans d'autres régions du Maroc, regrette qu'au au lieu de répondre aux revendications légitimes des citoyens et citoyennes du Nord, «le pouvoir a accentué la militarisation de la région et toute une armada des forces répressives a été déployée dans la région», a-t-il accusé. Cette velléité de casser un mouvement par la terreur, la peur et la psychose au sein de la population par l'arrestation brutale, indigne et inhumaine de l'incontestable icône contestatrice Zefzafi, comme en témoignent les photos et vidéos postées par les membres de la société civile marocaine est, malheureusement pour le pouvoir, peine perdue. Et ce, parce que l'arrestation de Nacer Zefzafi a fait effet «boule de neige». Depuis, la mobilisation est restée intacte. Elle s'est propagée pour gagner les esprits et cœurs de marocains épris de liberté et de démocratie. Avant son arrestation, depuis sa cachette où la police a eu du mal à le repérer, la figure de proue du mouvement a, dans une vidéo publiée sur son compte Facebook, appelé la population d'El Hoceima et autres région en lutte à «préserver le cadre pacifique» de la contestation. C'est ce que fera son père aussi dans la nuit de mardi à mercredi lors d'un méga rassemblement, malgré l'émotion que l'on peut imaginer chez un père dont l'enfant est entre les mains de la justice au service d'un roi qui ne tolère guère quand on secoue l'autorité de sa majesté. Que fera le Palais Royal qui pointe d'un doigt accusateur «la main de l'étranger» en jouant sur la fibre régionaliste pour détourner l'opinion des vrais problèmes socioéconomiques posés par la population du Rif, de manière pacifique. Car, la violence ne peut que rendre service à un pouvoir autoritaire qui ne se maintient qu'à travers la matraque. En optant pour une désobéissance civile et pacifique, les Marocains refusent de donner le moindre prétexte que les autorités peuvent utiliser contre le mouvement pour justifier la répression. Comment procéderont le Roi et ses «Baltaguia » maintenant que la contestation a fait tache d'huile pour porter fièrement le caractère national ? Le poissonnier d'Al Hoceima est-il en train de dessiner un destin marocain similaire à celui dessiné par El Bouaâzizi pour les Tunisiens ? En tout cas, de par l'élan de solidarité internationale aux revendications du peuple marocain, et la formidable mobilisation et conscience citoyenne de nos voisins, la question dépasse désormais les gouvernants. Elle est entre les mains d'une société civile mûre, intelligente et responsable devant la sourde-oreille observée par le roi devant les revendications légitimes de la population d'Al Hoceima. A. B.