Dans le quatrième chapitre de son programme d'action, dédié à la consolidation de la sphère financière et économique, le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune prévoit de transformer le régime de croissance en l'orientant vers le développement des secteurs producteurs de richesses, de valeur ajoutée et créateurs d'emplois. Dans le même document, le Premier ministre précise que l'investissement ne peut plus être essentiellement supporté par l'argent public et pas seulement en raison de son amenuisement en ces temps de tarissement des ressources tirées des hydrocarbures, dont les prix semblent orientés durablement à la baisse. Autrement dit, son gouvernement fera le nécessaire pour que le privé algérien prenne toute sa part dans l'investissement national. Mais qu'accorder de plus au privé algérien, dont la majeure partie existe grâce à la manne de la commande publique et de la subvention généreuse des matières premières que ce même privé s'évertue à transformer, comme c'est le cas des produits à base de sucre ou d'oléagineux, ou encore du ciment et des mélanges bitumineux ? Des facilités bancaires ? Il en a déjà bénéficié, notamment de prêts très avantageux et que d'aucuns n'ont pas encore remboursé à l'Etat à ce jour. Des incitations fiscales ? Il en faudrait certainement encore, mais le privé algérien en a déjà assez bénéficié. Ces magnats de l'argent accumulé grâce aux programmes d'investissement de l'Etat et aux prix subventionnés des matières de base, doivent désormais rendre la monnaie de la pièce de l'Etat en participant plus activement à la richesse nationale. Et en créant plus d'emplois et de valeur ajoutée, en investissant dans les filières industrielles et les TIC, par exemple, et autrement qu'en fabriquant du sucre, de la limonade, des jus de fruits industriels, des pâtes alimentaires ou en se contentant d'asphalter des kilomètres de routes accordés par l'Etat constructeur. M. Tebboune, vous avez bien raison : il est temps que le privé algérien devienne une vraie source de création de richesse et de valeur ajoutée ; il est temps qu'il prenne toute sa part dans la réduction de la dépendance préjudiciable aux hydrocarbures. Il est plus que temps qu'il investisse dans l'emploi massif et la formation. Il est tout aussi bien grand temps qu'il entre dans des partenariats avec des étrangers qui favorisent réellement les transferts de technologie vers l'Algérie. Oui, monsieur le Premier ministre, il faudrait que le privé national crée des groupes puissants mais pas seulement par la surface financière. Des groupes citoyens qui innovent, qui prennent des risques économiques en mettant de l'argent dans la formation et la recherche, notamment dans les filières d'excellence et d'avenir. A charge pour vous, et c'est du moins votre intention affichée, de l'aider à s'organiser pour qu'il devienne une source régulière de création de richesses, d'autant plus providentielle que la manne pétrolière a vocation à s'étioler, comme l'indique la tendance baissière et durable qui se dessine depuis juin 2014 sur les marchés. Une puissance de production à l'export aussi. Une force de contribution réelle à la réduction de la dépendance aux hydrocarbures. Un contributeur positif à la transition énergétique. Bref, un acteur patriotique, transparent et efficace participant à l'essor du bien commun. A l'image de la Chine, devenue une superpuissance mondiale grâce à ses entrepreneurs publics et privés. Le pays a plus que jamais besoin d'un privé fort, autonome, inventif, agressif à l'export, qui investit dans le pays et à l'étranger. Qui contracte des partenariats favorisant le transfert de technologie et l'accumulation des savoirs, et ce dans des cadres respectant la souveraineté nationale là où elle doit être impérativement défendue par l'Etat. Un Etat qui doit tout faire pour l'épanouissement d'un privé vigoureux et dynamique qui sera un atout réel lorsque l'adhésion inéluctable à l'OMC provoquerait le désarmement tarifaire et ne s'accommoderait pas toujours des protections nationales. Un Etat qui serait dans son rôle national et naturel de régulateur, d'arbitre et de recours ultime. Un Etat qui veillerait à ce que le privé ne cède pas à la tentation du démantèlement des digues et des protections sociales, ainsi que des acquis sociaux des Algériens. Pour que ce privé soit un jour une réalité, il faudrait que ses forces agissantes ne soient pas des condottieres mais de véritables capitaines d'industrie. Des forces d'entrainement qui doivent se poser aujourd'hui les questions structurelles et structurantes suivantes : après avoir réglé le problème de l'accumulation de l'argent, que dois-je en faire désormais ? Et quel sens politique donner à son usage ? C'est en répondant intelligemment à ces deux questions que le privé algérien sera ou ne sera pas, aux côtés du secteur public, un moteur de développement durable du pays, débarrassé progressivement du syndrome hollandais. N. K.