En clôturant, jeudi soir, les travaux du G8 par une conférence de presse au centre international des médias à Savannah (Géorgie), coupée du reste du monde pour la circonstance, George Bush a terminé une semaine au pas de course avec des allures de triomphe. Entouré de son staff de la Maison-Blanche –véritable garde prétorienne– dont sa conseillère Condoleezza Rice, cheville ouvrière de ce sommet, le président américain a, par un jeu habile de chaises politiques, redoré son image auprès d'une opinion publique interne qui ne cesse de le sanctionner si l'on en juge par les derniers sondages des télévisions câblées CBS, CNN et autres qui le créditent à la baisse à quelques encablures des élections présidentielles, en novembre prochain. Quoi qu'il en soit, et depuis le scandale de la prison d'Abou Ghraïb, George Bush, par un grand bain patriotique, des commémorations du 6 juin 1944 à la cérémonie grandiose des funérailles de Reagan, hier à Washington, a replongé l'Amérique dans sa fierté identitaire. Ainsi, en faisant entériner par l'ONU son plan pour l'Irak, le président américain a remporté une victoire diplomatique aux Nations unies qui a beaucoup pesé sur les travaux du G8. Et comme pour mieux avaliser la reconnaissance du nouveau gouvernement irakien par la communauté internationale qui verra le processus politique du transfert de souveraineté s'opérer le 30 juin, Bush a convié le nouveau président irakien, Ghazi Al Yaouar, à se joindre aux festivités à Sea Island, en présence de ses pairs du G8. Comme à la Bourse pour prendre «son bénéfice», le président américain a essayé tout au long de ce sommet de tirer parti de l'adoption unanime au Conseil de sécurité de la résolution sur l'Irak. De ce fait, le dossier irakien a occulté les autres problématiques au menu des responsables du G8 telles que la sécurité des transports aériens, l'aide au développement économique et la feuille de route sur l'initiative pour le Grand Moyen-Orient. Le gouvernement américain a modulé sa position en raison des réticences de nombre de pays arabes, dont l'Algérie, ou des pays européens qui ont renchéri sur les propos de Romano Prodi pour lequel la grande urgence régionale est de trouver une solution à la crise israélo-palestinienne, «mère de tous les conflits», comme l'a souligné le président Abdelaziz Bouteflika lors de son intervention de mercredi dernier à Sea Island. A cet égard, on peut, à coup sûr, affirmer que le président algérien, très entouré et fort sollicité, n'a pas perdu son temps lors de ce sommet du G8 en terre américaine. Lors de la première journée consacrée au Grand Moyen-Orient, il a mis en relief les thèses algériennes sur cette question, insistant sur le fait qu'il ne fallait pas imposer des réformes de l'extérieur en rejetant «tout plan standard» mais qu'au contraire, il faut laisser se poursuivre au niveau de chaque pays arabe des réformes «à rythme» devant prendre en considération les spécificités et la diversité de tout un chacun. Rejoint par ses pairs du continent africain pour les travaux du partenariat G8 - Nepad, le chef de l'Etat est intervenu remarquablement sur le thème paix et sécurité ; après avoir souligné au préalable que «le renforcement de la paix et de la sécurité sur le continent constitue une priorité absolue». Bouteflika a énuméré auprès des chefs d'Etat et chefs de gouvernement membres du G8 les initiatives africaines appuyées par la communauté internationale pour enrayer les conflits violents et éliminer les foyers de tension. Tout comme, lors de la conférence de presse tenue en commun avec les cinq présidents invités au G8 (Ghana, Ouganda, Afrique du Sud, Sénégal, Nigeria), Abdelaziz Bouteflika a réitéré ses appels à la lutte sans merci contre le terrorisme qu'il a définie comme «un enjeu majeur qui ne peut, à l'évidence, être dissocié de notre démarche d'ensemble visant à renforcer la paix, la sécurité et la stabilité dans le continent comme ailleurs». A ce propos, le président algérien, qui a rappelé que l'Afrique s'est dotée d'un cadre juridique et de mécanismes opérationnels pour la prévention et la lutte contre le terrorisme, a mis en exergue les efforts de son pays pour le lancement du Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme, à Alger. A la fois incontournable sur le plan africain et arabe, l'Algérie a marqué, à travers la présence au G8 de son président, les travaux de ce sommet par la force de ses propositions et le sens de la modération de sa diplomatie plus qu'active. B.-C. H. In La Tribune du 12.06.2004