Même un aveugle aurait vu que la politique d'installation des unités de montage automobile, en trois coups de cuillère à pot, c'est-à-dire le temps que nécessite la fabrication d'une pizza, était une superbe supercherie ! Mais il a fallu attendre la nomination du sérieux Abdelmadjid Tebboune pour s'en rendre compte, ou du moins pour le reconnaître officiellement. Et c'est le successeur du mystificateur Abdesslam Bouchouareb qui s'en est chargé. En effet, le nouveau ministre de l'Industrie et des Mines a émis récemment devant le Sénat l'idée «d'arrêter la production actuelle» d'automobiles achetées en kits et sans que le minimum de pièces ne soit fabriqué, en amont, en Algérie. La première raison invoquée par M. Bedda Mahdjoub, et elle est valable, c'est justement le très faible taux d'intégration inhérent à ces usines de simple boulonnage. Naturellement, le ministre dit ça avec le tact diplomatique nécessaire en usant d'un style euphémique : «le taux d'intégration n'a pas atteint le niveau souhaité» par les pouvoirs publics. Fin donc du miracle industriel tant vanté par le prestidigitateur Abdesslam Bouchouareb et son patron de Premier ministre d'alors. Et place à «la nouvelle politique du gouvernement qui vise la création de sociétés de sous-traitance» sur laquelle les propriétaires des unités de montage doivent impérativement s'aligner. Après une simple évaluation, le nouveau ministre, et, en arrière-plan, la présidence de la République et le Premier ministère, se sont vite rendu compte que l'opération, lancée en fanfare et défendue comme une véritable storytelling, est un fiasco : les prix des voitures restent «inaccessibles», sans compter le «manque à gagner pour le Trésor public» et le fait que ce type de chaines de montage «n'a pas eu un impact important en termes de création d'emplois». Il est heureux de constater alors que l'Exécutif a pu réaliser finalement qu'une industrie automobile ne s'improvise pas de cette façon-là, car on s'est suffi d'importer le maximum de CKD (Completely Knocked Down), sans compléments de pièces produites localement. Ce qui fait que les uns et les autres, se sont juste contentés d'assembler les véhicules comme on aurait monté un meuble Ikea ! L'Exécutif a ainsi pris conscience qu'il fallait notamment prendre le temps de négocier le meilleur taux d'intégration possible, de manière à favoriser l'émergence d'un tissu de PME-PMI sous-traitantes, seules à même de créer de l'emploi et de la valeur ajoutée. Le cap est par conséquent mis sur une «nouvelle stratégie» qui consiste à installer des capacités de SKD (Semi Complete Knocked Down) qui repose sur une intégration locale plus poussée. En effet, les pièces pour le montage du véhicule sont en grande partie importées à l'état brut et transformées sur place, quand certaines pièces n'y sont pas entièrement fabriquées. Le gouvernement compte par conséquent encourager les start-up et les petites et moyennes entreprises : «Le moment est venu pour donner la chance aux jeunes», a souligné le ministre. En attendant le lancement de cette «nouvelle stratégie», le gouvernement doit calibrer le marché, c'est-à-dire définir sa taille et le nombre adéquat de constructeurs. Enfin, il est vraiment heureux de relever que l'Exécutif semble avoir pris conscience du fait que ces usines d'assemblage de kits importés, sont des machines de transferts hémorragiques de devises, avec, à la clé, de possibles opérations de surfacturation. Sinon, comment expliquer le coût excessif de voitures censées être montées sur place ? Enfin, il faudrait d'autre part que le gouvernement Tebboune incite les banques à ne plus encourager l'importation, mais de s'orienter justement vers le soutien aux futures PME-PMI de la sous-traitance. N. K.