Si le sulfureux Abdessalem Bouchouareb est dans l'œil du cyclone pour avoir «bradé» quelque 70 milliards de dinars dans une hypothétique industrie de boulonnage, Abdelmalek Sellal paraît bien être au-dessus de tout soupçon. Et ce, par-delà toute prise d'intérêts du clan Sellal, actionnaire à travers le fils dans la société concessionnaire de la marque Mazda, qui ne peut être confondue en preuve de collusion avec des intérêts privés ou de conflits d'intérêts. Des carrioles importées en kit, des centaines de millions de dollars ventilés en Asie et en Europe en toute «légalité» via la Banque d'Algérie, et une somme de conflits d'intérêts sonnants et trébuchants. Au gouvernement, on se tire allègrement dans les pattes, mais on se garde bien de viser les têtes de ténia. Si le sulfureux ex-ministre de l'Industrie et des mines, Abdessalem Bouchouareb est désormais dans l'œil du cyclone, le «cyclone Tebboune», pour avoir «bradé» quelque 70 milliards de dinars dans une hypothétique industrie de boulonnage, Abdelmalek Sellal, le chouchou attitré du président Bouteflika, au gouvernail comme Premier ministre depuis 2012, paraît bien être au-dessus de tout soupçon. Et ce, par-delà toute prise d'intérêts du clan Sellal, actionnaire à travers le fils dans la société concessionnaire de la marque Mazda qui ne peut être confondue, sauf par un juge habilité, en preuve manifeste de collusion avec des intérêts privés, de conflits d'intérêts, ou autre trafic d'influence. Jusqu'à preuve du contraire, Abdelmalek Sellal n'engagera dans ce fiasco national dénommé «industrie de montage automobile» – qui a enrichi la faune de copains et coquins de l'oligarchie au pouvoir – que sa responsabilité politique. Samedi 1er avril 2017. Une semaine après l'éclatement du scandale Tahkout dont l'usine de montage de véhicules Hyundai à Tiaret s'est révélée n'être qu'une supercherie, la énième du secteur automobile. Ce jour-là, Abdelmalek Sellal est en visite à El Oued, en VRP de la doctrine de boulonnage professée par son influent ministre de l'Industrie. Visiblement excédé par les photographies publiées sur les réseaux sociaux (montrant des voitures Hyundai parfaitement emballées, tassées au fond de containers importés, assemblées presque entièrement… les roues en moins !), Sellal s'est démené pour défendre le choix de son gouvernement de localiser, dans une première phase une industrie de montage de véhicules, avant de monter en cadence dans la production avec un taux d'intégration de 40% et un transfert profitable de technologie. «Nous voulons avoir une production nationale à travers un investissement algérien et étranger», déclarait Sellal. «Dieu merci, ajoutait-il, beaucoup de projets sont déjà lancés. Renault, Mercedes et Hyundai produisent déjà. Volkswagen va bientôt entrer en production. Peugeot nous court après. Nous lui avons dit, doucement, patience même si nous sommes prêts à signer.» Ses facéties épuisées, Sellal entrera derechef dans le vif du sujet. Le sujet Tahkout Manufacturing Company (TMC) ou l'arbre qui cache la forêt d'arnaques à l'importation déguisée consumant aussi bien les secteurs civil que militaire de l'industrie automobile : «Ils ont fait tout un bruit sur l'usine de Hyundai. Nous avons envoyé une commission d'enquête et on a constaté qu'il (TMC, ndlr) applique le cahier des charges et qu'il importe entre 25 000 et 36 000 pièces détachées pour les assembler sur place.» Composée essentiellement des services du Premier ministre et du ministère de l'Industrie (sic !), la commission d'enquête mise sur pied par Sellal a accouché, sans surprise, d'un «non-lieu». Les résultats de l'enquête sont déclarés «positifs» par Bouchouareb dont le cahier des charges pour les «usines tournevis» suivant les formules SKD et CKD étaient conçus sous son patronage : «TMC a signé un engagement, se défendait l'ex-ministre, et un cahier des charges, et la première inspection a donné un résultat positif (…) ceux qui s'inscrivent dans l'activité de montage des véhicules seront observés et les conséquences seront tirées au cas où il y aurait des défaillances». Deux mois après, le bilan établi par son successeur à l'Industrie, Bedda Mahdjoub, exhale ses relents fétides de crime contre l'intérêt national. De 1998 à 2013, l'importation de véhicules a coûté au pays un total d'environ 30 milliards de dollars, sans compter la pièce de rechange, notait dans un récent entretien l'économiste Abdelatif Rebah (El Watan, 15 mars 2017). «Un marché prospère comme l'illustre notamment l'éclatante ascension du constructeur français Renault dont le chiffre des ventes est passé de 1800 unités en 1998 à 113 644 unités en 2012, soit un facteur de multiplication de 63. Aujourd'hui, Renault détient 26% des parts de marché en Algérie. Un marché prospère, donc, des taux de croissance qui donnent le vertige, mais sans retombées domestiques en termes d'emploi, de formation, de transfert de technologie, d'implantation industrielle. Aucun des constructeurs automobiles présents sur le marché algérien, plus d'une quarantaine, n'avait jugé utile, alors, de prendre un engagement de nature industrielle. Ce n'est que lorsque les pouvoirs publics ont décidé d'imposer cette obligation, disons de présence industrielle, que les constructeurs automobiles ont daigné s'implanter autrement qu'à travers les showrooms.» Après les clinquants showrooms, place fut faite aux «usines tournevis» du duo Sellal-Bouchouareb pour qui, décidément, la réindustrialisation nationale n'a été qu'une utopie offshore.