Ça ne pouvait pas plus mal commencer pour la présidence française de l'Union européenne. À deux semaines de prendre les rênes de l'Europe, Nicolas Sarkozy voit tomber sur sa tête la tuile, le non irlandais devant donner lieu à de lourdes conséquences. Le président français avait de grandes ambitions pour ses six mois de présidence, persuadé de faire avancer l'Europe sur plusieurs grands dossiers : la défense, l'immigration, l'énergie et l'environnement. Il a même déployé personnellement d'intenses activités auprès de tous ses pairs européens, leur rendant visite pour préparer “sa présidence”. Mais le non irlandais est passé par là : sa présidence sera consacrée au recollage et Sarkozy se verra obligé de se concentrer sur des sujets institutionnels et, donc, laisser de côté les sujets politiques qu'il n'avait cesse d'annoncer, comme s'il allait changer tout le destin de l'Europe ! Ses proches ont beau rassurer en rabattant que le non irlandais va certes assombrir le climat européen, mais les sujets avancés par Sarkozy ne devraient pas être compromis et que l'UE pourra travailler avec le traité de Nice, le vote de Dublin reste un revers personnel pour le chef de l'Etat français. En proposant ce traité, Sarkozy poursuivait deux objectifs : restaurer la place de la France dans l'UE et relancer l'Europe. Il a vu tout faux et doit affronter les critiques de la gauche française qui n'ont pas manqué de l'accuser d'être en partie responsable de ce nouveau fiasco. Le traité de Lisbonne en 2007 et sa faisabilité par voie parlementaire dans l'ensemble des membres de l'UE, à l'exception de l'Irlande, c'était son premier fait d'armes international en tant que successeur de Jacques Chirac président. Le mini-traité de Lisbonne dont Sarkozy s'est arrogé la paternité a généré les mêmes réactions que le projet de Constitution de 2005. Pour les eurosceptiques, “l'Europe ne peut se construire dans le dos ses citoyens”. Le non irlandais a relancé la polémique en France sur le sarkozisme dès lors que le vote est considéré comme un revers personnel pour le locataire de l'Elysée. Les médias parisiens se demandent si le président français peut, une nouvelle fois, jouer le rôle de pompier de l'Europe ? Le désaveu irlandais a augmenté l'inquiétude à l'Elysée à propos d'un autre grand chantier de Sarkozy, son projet d'union pour la Méditerranée. Le projet, qui doit théoriquement voir le jour le 13 juillet à Paris, est mal parti. Le sommet arabe surprise, organisé à Tripoli la semaine dernière, met un frein certain à la mise en place du bébé de Sarkozy. Cette réunion des représentants des pays de la rive sud a fourni à Kadhafi l'occasion de dire tout le mal qu'il pensait de l'initiative française. Les autres ne se sont pas publiquement exprimés, réservant leur décision de participer ou non. Le leader libyen devait d'emblée rejeter en bloc toute participation à l'UPM et a enjoint ses homologues d'en faire autant. Son principal grief : “Ce projet porterait atteinte à l'unité africaine et arabe” et, pour lui, les négociations devront passer par l'Union africaine ou par la Ligue arabe dans leur globalité. Et pour corroborer cette idée, il a fait un parallèle avec le souci de l'UE de rester unie, alors que le projet initial de Nicolas Sarkozy prévoyait que seuls les pays membres riverains de la Méditerranée prendraient part à l'UPM.À cette volonté de négocier en bloc élargi s'ajoutent des remarques sur le contenu de l'UPM. “Nous ne sommes ni des affamés ni des chiens pour qu'ils nous jettent des os.” Le projet de Sarkozy, qui avance des propositions de coopération en matière de commerce, de sécurité et d'immigration, fait l'impasse sur le partenariat politique, stratégique et économique. L'UPM s'assoit sur les thèmes de la maladie, de la menace climatique et de coopération entre cultures. Le projet de Sarkozy va approfondir les divisions arabes après avoir suscité le désintérêt chez les Européens qui lui ont donné le cachet d'un Barcelone bis. D. Bouatta