Bien que les pays en développement soient confrontés, ces dernières années, à diverses crises dues en partie à la flambée des prix des matières premières et de l'énergie, leur situation financière ne reflète pas, dans certains cas, cette situation. Ainsi, ces pays émergents ont enregistré un engouement relativement significatif, en termes d'attraction des capitaux, traduit par l'augmentation des flux, grâce à la présence des banques étrangères, et ce, notamment par l'ouverture des agences au niveau local. A la fin de juin 2007, explique le dernier rapport de la Banque mondiale, intitulé «Financement du développement dans le monde 2008», publié mardi dernier, les créances étrangères détenues par les grandes banques internationales sur les résidants des pays en développement s'établissaient à 3 100 milliards de dollars, contre 1 100 milliards fin 2002. «La présence des banques étrangères dans les pays en développement améliore l'accès au crédit et les services financiers, ce qui est susceptible de stimuler l'efficacité et l'innovation dans les banques locales», a expliqué Mansoor Dailami, chef de l'équipe Finances internationales dans le Groupe des perspectives du développement, et principal auteur du rapport. Les explications de la Banque mondiale Pourquoi un tel engouement dans un contexte marqué par les turbulences financières de par le monde ? Pour les spécialistes de la BM, cette situation résulte d'un certain nombre de raisons. En Afrique subsaharienne, explique la même source, cette présence est causée par la couverture limitée des infrastructures bancaires locales. En revanche, sur le Vieux Continent, ainsi qu'en Asie centrale, leur implantation est due à l'intégration régionale à l'Union européenne, et, enfin, en Amérique latine, cela est justifié par la volonté des États de s'ouvrir à la concurrence étrangère. «Aujourd'hui, les banques étrangères ont plus de 2 000 bureaux locaux dans 127 pays en développement, dotant ainsi l'industrie bancaire internationale des infrastructures et des plates-formes technologiques indispensables pour enregistrer des opérations avec l'étranger, pas seulement depuis leurs sièges implantés dans les grands centres financiers, mais aussi à partir d'un grand réseau local d'agences et de filiales dans les pays en développement», explique plus loin le rapport. Cependant, ce document a tenu à corriger plus loin l'optimisme que pourrait susciter ce «tableau flatteur». En effet, la BM a indiqué que les pays émergents, particulièrement ceux qui sont actifs sur les marchés interbancaires internationaux, à savoir le Brésil, la Chine, la Hongrie, l'Inde, le Kazakhstan, la Russie, l'Afrique du Sud, la Turquie et l'Ukraine, doivent s'inquiéter du risque que leurs banques nationales puissent rencontrer des difficultés de financement sur les marchés internationaux dans l'éventualité où les pressions sur les liquidités se maintiendraient à des niveaux élevés sur les marchés interbancaires. 471 milliards de dollars d'IDE dans les pays émergents Parallèlement, et selon les estimations de l'institution de Bretton Woods, les apports de capitaux privés aux marchés émergents, qui ont franchi la barre du billion de dollars en 2007, devraient redescendre autour de 800 milliards de dollars en 2009 (ce qui reste quand même le deuxième record de tous les temps). Par ailleurs, les apports nets d'IDE (investissements directs étrangers) aux pays en développement et à revenu élevé sont restés en forte progression durant l'exercice écoulé. Estimés à plus de 471 milliards de dollars dans ces mêmes pays, ces IDE représentent, selon ledit rapport, près d'un quart des flux entrants mondiaux, soit plus de 1 700 milliards de dollars. Ces chiffres montrent à eux seuls une augmentation significative, qui est justifiée par la présence d'un environnement propice à l'investissement dans quelques pays, à l'instar de la Chine qui demeure, pour rappel, la première destination des IDE parmi les pays en développement en 2007, nonobstant les quelques mesures sélectives prises par les dirigeants chinois ayant trait à l'autorisation des projets d'investissement à participation étrangère. Les augmentations des IDE concernent également d'autres pays, à savoir le Brésil (+16 milliards de dollars) et la Russie (+22 milliards de dollars). Ralentissement mondial et préoccupations Si des performances ont été enregistrées dans les IDE et des apports des capitaux dans quelques pays, il n'en demeure pas moins que le taux de croissance mondial subira lui aussi un léger lifting. De prime abord, pour la BM, «l'essentiel de ces apports en capitaux privés va à une poignée de grandes économies», en l'occurrence le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Europe orientale. Uri Dadush, directeur du Groupe des perspectives du développement et du département du Commerce international à la Banque mondiale, a expliqué que leur taux de croissance subira les conséquences du ralentissement mondial et devrait revenir de 8 à 6,5% en 2009. Et pour cause : l'inflation, qui devient de plus en plus importante dans ces pays, sous l'effet des fortes hausses des prix de l'énergie et des produits alimentaires, fragilise leurs économies. «La moitié d'entre eux ont accumulé des déficits de transactions courantes supérieurs à 5% du produit intérieur brut et un quart d'entre eux des déficits supérieurs à 10%», précise la même source, qui souligne que le PIB mondial passerait de 3,7% en 2007 à 2,7% en 2008. Par ailleurs, les prix élevés des produits de base suscitent beaucoup d'inquiétude chez les dirigeants de cette banque. Les cours mondiaux tant de l'énergie que des denrées alimentaires ont augmenté de 25% en termes nominaux au deuxième semestre 2007. Paradoxalement, si les prix des produits susmentionnés sont aujourd'hui le premier vecteur d'inflation dans les pays en développement, les premières victimes se comptent chez les populations les plus démunies. Ces dernières, qui restent toutefois tributaires de l'aide publique, ont vu celle-ci s'inscrire encore en baisse en 2007 (l'aide publique nette au développement versée par les pays membres du comité d'aide au développement de l'OCDE s'est élevée au total à 103,7 milliards de dollars en 2007, en recul par rapport au pic de 107,1 milliards de dollars en 2005), et doivent y faire face. S. B.