Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar
En raison d'un déséquilibre dans la loi de l'offre et de la demande, les prix du poisson connaissent ces dernières semaines une flambée exceptionnelle. La presse fait quotidiennement part du mécontentement des consommateurs qui dénoncent, de manière générale, l'usure de leur pouvoir d'achat. En effet, la sardine oscille, depuis le début de la saison hivernale, entre 200 et 300 dinars le kilo. La crevette se raréfie sur les étals et touche le plafond des 1 000 dinars. Alors que, pour d'autres espèces dites nobles comme le merlan, le loup, le pageot et le rouget, les prix varient entre 700 et 800 dinars. La cherté qui s'est saisie précédemment des produits avicoles (poulet et œufs) s'est visiblement traduite par un accroissement notable de la demande concernant la production halieutique. Outre cette pression conjoncturelle, la promptitude des réseaux spéculatifs est également mise en évidence dans l'exploitation de cette «opportunité» pour porter la sardine, autrefois produit de substitution pour les ménages à faible revenu, à un seuil historique. Il convient de souligner dans ce sillage la faiblesse des prises et la pollution avancée des côtes qui engendre, à son tour, une diminution certaine des ressources. Par ailleurs, la violation des lois régissant la filière est également pour beaucoup dans cette déstabilisation du marché. Des chalutiers qui rivalisent avec les petits métiers à quelques kilomètres seulement du rivage, le non-respect des calibres autorisés pour les différentes espèces de poissons, la pêche en période de reproduction avec des filets à mailles de plus en plus serrées, la liste des travers est encore longue. Comme quoi la formation, à elle seule, ne suffit pas pour professionnaliser véritablement le métier de marin pêcheur. Un grand travail de responsabilisation reste encore à faire. Sous d'autres cieux, la pêche responsable ou la politique des quotas sont des concepts nouveaux pour protéger et sauvegarder les bassins poissonneux d'une mauvaise exploitation. Malgré tous les investissements publics accordés au secteur ces dernières années, la production demeure bien en deçà des besoins sur le double plan quantitatif et qualitatif. Le problème réside incontestablement dans l'instauration des bonnes pratiques de la pêche et la lutte contre le phénomène spéculatif. Pour preuve, toutes les études faites à ce sujet indiquent invariablement que la production nationale actuelle frôle à peine le tiers du stock «pêchable» qui peut atteindre les 220 000 tonnes/an. A Béjaïa, la production halieutique annuelle a atteint, en 2008, le record de 3 500 tonnes sur un stock de 5 000 tonnes, soit 500 tonnes de plus que l'année précédente. Le manque à gagner est estimé à 1 500 tonnes. Un déficit qui a naturellement son impact sur le marché. La pêche maritime emploie dans la wilaya 998 personnes (830 marins, 132 patrons et 36 mécaniciens). Une bonne partie de ce personnel est issue des centres de formation spécialisés. L'exploitation optimale des ressources est entravée surtout par le manque d'expérience des jeunes marins, la faiblesse et la vétusté des moyens employés. La flottille de pêche immatriculée dans la wilaya est de 220 unités : 116 chalutiers, 34 sardiniers, 170 petits métiers. Mais sur le terrain, de nombreuses pièces sont à l'arrêt pour des raisons diverses. L'extension du port de pêche de Béjaïa, dans le cadre du plan de soutien à la croissance économique, a permis l'installation d'une quarantaine de nouveaux venus dans le secteur. Les travaux de réalisation d'un nouveau port à Tala Yelef (Beni Ksila) ont atteint un taux d'avancement de 80%. Un projet public de 38 millions de dinars qui permettra certainement d'améliorer les performances de la filière dans l'avenir proche. Un troisième port de pêche est en voie de lancement dans la commune de Melbou (côte est). Une enveloppe de 44 millions de dinars a été dégagée sur le budget de l'Etat à cet effet. Même si l'entame des travaux connaît un certain retard, les différents intervenants dans le projet se promettent de mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu. Des plages d'échouage sont également réalisées un peu partout. La pisciculture continentale est aussi initiée dans les principales réserves d'eau de la wilaya : barrage Ighil Emda (Kherrata), barrage Tichy-Haf (Bouhamza), etc. Un laboratoire des sciences de la mer, un partenariat entre la direction de la pêche et l'université de Béjaïa, sont en phase de création dans la commune d'Aokas. Eu égard aux moyens déployés, les perspectives du secteur s'annoncent prometteuses.