De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Aucune activité commerciale n'a été épargnée par la concurrence «mitoyenne». Dès que la rentabilité de tel commerce ou tel autre est établie, on en voit pousser d'autres alentour comme des champignons. L'abolition de la notion de «distance» entre commerces exerçant la même activité dans la délivrance de la permission d'exercice a favorisé cette prolifération de plusieurs commerces se partageant le marché sur une même portion de trottoir. Le marché parallèle, un autre point noir Outre cette particularité, Constantine, réputée pour son souk au cœur de la médina où se concentrent des activités multiples, s'est vu ces dernières années attribuer d'autres espaces de vente dans des endroits incommodes au troc. La loi régissant l'espacement entre des commerces de la même activité s'est pliée devant la nouvelle donne d'économie de marché. Point de critères initiaux interdisant ce rapprochement si ce n'est l'intervention des services de contrôle pour mettre le holà sur un éventuel dépassement dans l'application des lois ayant rapport directement avec la pratique commerciale. Registre du commerce conforme, étiquetage des marchandises, mercuriale des prix, factures d'achat… «La liberté dans la qualité de commerçant autorise la délivrance de registre à toute personne désireuse de se lancer dans une activité déterminée. Il n'existe pas de textes qui interdisent le choix d'un éventuel créneau», explique le directeur régional du commerce de wilaya M. Adjroud. Et de renchérir : «Ce qui prime, c'est la concurrence. Il faut créer un enjeu de compétitivité dans le domaine. Le tout sera chapeauté du moins par la présence sur le terrain de brigades de suivi dont la mission demeure l'application stricte de la réglementation.» Cependant, force est de constater que la prolifération des commerces dans la capitale de l'Est donne un décor de kermesse à la cité. Si la loi de la proximité est détrônée par celle de la concurrence, il n'en demeure pas moins qu'il existe des commerces qui n'ont pas vraiment leur place à certains endroits de la cité. Mais ce cafouillage total fait le bonheur des commerçants. Parfois, les contrôleurs s'avèrent impuissants à sévir devant cette tendance de commerces, multiples notamment. Quand l'anarchie prend des allures d'organisation En effet, ces derniers temps, à Constantine, on découvre une nouvelle manière d'organisation des commerces : dans une boutique, l'espace est compartimenté et chaque compartiment abrite une activité donnée. Ainsi, on peut trouver la bijouterie côtoyant le commerce de téléphonie, de vêtements… et bien d'autres encore. Pour l'heure, seules quelques activités restent, relativement, régies conformément à une directive stricte. Il s'agit en particulier des officines dont la dérogation préliminaire reste la seule pièce qualificative leur ouvrant le droit d'exercer. Elle est attribuée par la Direction de la santé et de la population (DSP) après une enquête préliminaire. C'est ainsi le seul commerce qui ne soit pas affecté par l'anarchie. Aux côtés des fameux kiosques multi- services (dénomination donné aux téléphones publics) on voit s'ouvrir d'autres kiosques, grâce à la simplification des autorisations d'exercice. Cette situation ne semble gêner personne. Sur un autre plan, il faut avouer que les commerçants de la ville n'hésitent pas à changer leur activité vite fait au moindre ralentissement dans la rentabilité quotidienne. Pour cela, la Chambre de commerce n'en demande pas tant pour faire rentrer de l'argent au terme d'un changement d'activité. Le transfert arrange toutes les parties qui sont concernées. Combien de magasins se métamorphosent-ils chaque année à Constantine ? «On en compte beaucoup, dira un responsable du secteur ; les transformations et autres aménagements affectant au quotidien des locaux éclairent on ne peut mieux sur le phénomène.» A vrai dire, le commerce libéral aura donné lieu à des confusions dans la pratique. La latitude empruntée étant celle du gain de l'argent au détriment d'un strict minimum dispensé dans le perfectionnement des prestations de services. Mais la saison la plus propice au changement d'activité demeure le mois de carême. Pourtant, la réglementation contraint ces «transfuges saisonniers» à se soumettre au régime imposé par la Chambre de commerce qui soumet le changement d'activité à l'obligation d'une autorisation. Mais en dépit de toutes ces nouvelles dispositions, qui arrivent après coup, le commerce vit toujours dans une totale anarchie. Pour s'en convaincre, il suffit d'arpenter les artères de la ville. A la vue s'offriront des étalages sur les trottoirs présentant CD, vêtements, téléphones cellulaires, ustensiles de cuisine, produits de beauté et cosmétiques… qui polluent le décor des boulevards et rues de Constantine. Des images de laideur et de désorganisation Le boulevard Saint-Jean où se concentrent tous ceux qui transitent par la ville et les résidants est une illustration parfaite de cette pollution et désharmonie de l'environnement urbain. Ses trottoirs sont squattés à longueur de journée par des vendeurs à la sauvette. Au cœur de la ville, c'est un autre marché ouvert qui s'offre au commerce parallèle et concurrentiel qu'aucun contrôle ne vient déranger. C'est l'anarchie organisée et tolérée, même si, officiellement, elle n'est pas autorisée.