Aucune des périodes de turbulences financières des soixante dernières années ne présente la dimension mondiale propre à la crise économique actuelle. Toutes les économies sont, hélas, affectées et les conséquences au niveau social se font de plus en plus lourdement sentir. Le continent africain, resté à l'écart malgré lui, en raison de la faible intégration de son système financier au niveau mondial, emboîte finalement le pas aux pays développés, puis à ceux dits émergents. Le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn a, dans ce sens, évoqué, pour la première fois, une récession mondiale en 2009, lançant un véritable cri d'alarme sur les conséquences de la crise pour le continent africain. Ce continent, dont la situation politique et sociale de la quasi-totalité des pays est vulnérable par nature, subira, aux dires Stauss-Kahn, plus gravement qu'ailleurs, les retombées de cette crise. «Notre rencontre intervient à un point critique de l'histoire pour l'Afrique», a-t-il affirmé à l'ouverture d'une conférence de deux jours, qui se tient depuis hier à Dar Essalam, en Tanzanie. «La crise financière mondiale, que l'on peut quasiment qualifier à présent de grande récession, fournit une sombre toile de fond à notre conférence. Le FMI prévoit une croissance mondiale en dessous de zéro cette année, la pire performance que la plupart d'entre nous ont jamais vue», a-t-il expliqué, sceptique. Pis, la crise touchera le continent le plus pauvre de la planète, et «son impact sera sévère». «Même si la crise a été lente à atteindre les rivages de l'Afrique, nous savons tous qu'elle arrive et que son impact sera sévère», a-t-il dit, citant la chute des échanges commerciaux, la diminution des envois d'argent par la diaspora et l'amenuisement des investissements étrangers et de l'aide. Alors que certains indicateurs plaident pour une croissance d'environ 3% en 2009, loin des 5,4% enregistrés 2008, il a insisté sur la nécessité d'une réponse urgente pour l'Afrique, où les variations des performances économiques sont une question «de vie ou de mort». «Et la menace n'est pas seulement économique ; il y a un risque certain que des millions [d'Africains] replongent dans la pauvreté», a-t-il averti. Même son de cloche chez le président tanzanien Jakaya Kikwete, qui qualifie cette crise de «plus grand danger de l'histoire récente pour le développement de l'Afrique». En connaisseur parfait de la situation socio-économique de l'Afrique, l'ancien secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan, a indiqué que le continent africain est désormais en ligne de mire. «Cette crise est la version économique d'un tsunami», dit-il. Par ailleurs Dominique Stauss-Kahn a soulevé la problématique du financement du continent en ces temps de rareté des liquidités au niveau des banques, alors que, sous d'autres cieux, des plans de sauvetage sont évalués à des centaines de milliards de dollars au profit de quelques banques en faillite. «Des institutions financières privées dans des pays développés ont reçu plus de soutien financier que l'ensemble du continent africain», a-t-il relevé en référence aux quelque 170 milliards de dollars débloqués par les Etats-Unis pour sauver de la faillite l'assureur AIG. «Au moment où la communauté internationale trouve des centaines de milliards de dollars pour la résolution de la crise, je ne peux accepter que nous ne soyons pas capables de trouver des centaines de millions pour les pays à faibles revenus», a-t-il fait remarquer. S. B.