La décision de la Cour pénale internationale (CPI) de poursuivre le président soudanais accusé de «crimes de guerre et de crimes contre l'humanité» ne manque pas de poser une question majeure tandis qu'elle devient de facto une jurisprudence en la matière. En effet, cette décision intervient suite à une décision du Conseil de sécurité (Résolution n°1593 en date du 31 mars 2005), décision prise en vertu du chapitre VII de la Charte aboutissant à «décider de déférer au procureur de la Cour pénale internationale la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002». Il se trouve que, si le Soudan est signataire du Statut de Rome qui a créé la CPI en 2002, ce même Soudan n'a pas ratifié ce statut. Il ne devrait donc pas, à ce titre, pouvoir être l'objet d'une saisine de la CPI. Cet élément de droit est, d'ailleurs, on le sait, constamment mis en avant concernant d'autres situations que nous connaissons. C'est vrai tout particulièrement d'Israël qui n'est pas partie du Statut de Rome. Dans sa décision numéro 1593 du 31 mars 2005, le Conseil de sécurité n'évacue pas cette question. Il déclare que «tout en reconnaissant que le Statut de Rome n'impose aucune obligation aux Etats qui n'en sont pas partie», il demande «instamment à tous les Etats et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement». Alors que, jusqu'à présent des tribunaux ad hoc ou «spéciaux» étaient créés pour pallier cette non-ratification du Statut de Rome par tel ou tel pays, cette fois, dans le cas du Soudan, le Conseil de sécurité passe outre ce qui était de droit constant pour impliquer directement un pays non signataire en faisant fi, en l'espèce, de la souveraineté de cet Etat. Il s'agit là, sans entrer dans le débat ouvert par cette décision, d'un précédent qui ne peut laisser indifférent. Il s'ensuit désormais qu'un Etat, non partie du Statut de Rome, peut être déféré devant la CPI suite à une enquête appropriée menée par une Commission internationale compétente. Cette décision «étonnante» qui concerne le seul Darfour relativement à ce qui était de règle crée un précédent et fait jurisprudence. Désormais, tel ou tel pays qui n'est pas partie au Statut de Rome, peut donc être déféré devant la CPI. Dont acte. Mais alors, et suivant un parallélisme de formes, Israël ne peut plus désormais s'abriter derrière sa non-ratification de la CPI et le Conseil de sécurité ne peut plus s'en servir comme d'un prétexte pour ne pas agir, qu'il s'agisse d'Israël ou de tout autre Etat non signataire. Cela ne fait que rendre encore plus clair et crédible l'objet de la pétition internationale demandant une enquête internationale et des poursuites judiciaires adaptées. Cette décision concernant le Soudan, même si elle procède d'une mise à l'index spéciale d'un pays africain qui ne peut manquer de poser problème, fait cependant et du même coup jurisprudence. L'ONU ne peut plus désormais se cacher derrière des arguties de droit concernant Israël en particulier. Le Conseil de sécurité peut le faire puisqu'il s'en attribue le droit pour le Soudan. C'est désormais plus clairement que jamais une question politique qui est posée pour qu'il en décide ainsi. Cela rend plus crédible l'action entreprise pour que les crimes de guerre commis à Ghaza ne restent pas impunis comme l'ont été ceux commis au Liban en 2006. Jean-Claude Lefortdéputé honoraire Le 6 mars 2009