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L'amorce de grands virages stratégiques
L'administration Obama face aux défis de l'heure
Publié dans La Tribune le 19 - 03 - 2009

L'indignation d'Obama n'est certainement pas feinte. Que AIG distribue des bonus à hauteur de 165 millions de dollars aux responsables qui l'ont mise en faillite est en soi une anomalie. Les idéologues du capitalisme nous serinent depuis longtemps que ce dernier récompensait le mérite et la compétence, pas l'irresponsabilité et la gabegie. Encore que… Même cette représentation relève de la construction idéologique. Il serait bien difficile à ces idéologues de reconnaître que la richesse, le succès, la prospérité du capitalisme dans les pays dominants doivent infiniment plus à la traite des Noirs, à la colonisation de la planète, à l'exploitation du tiers-monde, à la domination. Alors, bien sûr, ce qui a été accumulé par le crime devient, dans leur bouche, le résultat de la vertu et de l'intelligence. Même si… même si cette histoire des crimes nous revient, brûlante, avec le retour politique des Indiens en Amérique latine, cinq siècles après la colonisation de leurs terres.
Même si nous revient l'histoire honteuse de l'esclavage avec le mouvement social en Guadeloupe remettant face à face descendants d'esclaves et descendants des maîtres insérés dans le même rapport social ou presque généré par le forfait de l'esclavage et avec la même distribution des terres et des richesses. Mais c'est bien cela le rôle des crises : révéler le caché. Mais enfin, malgré cette archéologie des dominations mise au jour par la crise, il faut bien pour ces idéologues continuer de nous faire croire à cette théorie du mérite. Elle reste essentielle pour subjuguer les peuples de ces pays dominants et leur faire croire qu'ils vivent dans un système juste basé sur la récompense du seul travail et de la seule probité. Alors, vous comprenez bien que cette annonce de distribution de bonus à des responsables pouvait inciter au doute moral en attendant la révolte politique. Or, ces mêmes dirigeants des grandes puissances ont fait des efforts gigantesques pour nous faire croire que la crise n'est pas inscrite dans la logique du capitalisme, dans la logique de ses contradictions mais est le résultat d'erreurs, de fautes, d'absence de contrôle. Sarkozy, encore lui !, trouvera la bonne formule.
Il faut moraliser le capitalisme. Il faut le moraliser, c'est-à-dire lui imposer des règles, le sauver contre lui-même et de ses tendances débridées au profit. Ce n'était pas jeter le doute sur le système mais sur sa direction, sa gestion.
Or, en distribuant des bonus à ses cadres qui ont failli, qui ont spéculé, qui ont joué, AIG démontre que le capitalisme n'est pas amendable. Obama, comme les autres dirigeants des grands pays capitalistes, se retrouvait face à des impératifs politiques immédiats. Ils avaient déboursé des sommes colossales pour sauver les banques, en réalité pour sauver les actionnaires et les managers. Des sommes puisées dans l'argent public, puisées dans la poche du contribuable, celui-là même qu'on a sorti de sa maison ou de son travail, peut-être de sa maison et de son travail. Ces dirigeants nous livraient en live et en direct cette anomalie du capitalisme, la contradiction fondamentale qui oppose le caractère social de la production au caractère privé de la propriété des moyens de production. Marx expliqué par Wall Street, ce n'est pas habituel ! Pis, la leçon a pris les apparences de l'expérience vécue, de l'expérience directe, de l'expérience traumatisante d'une privatisation des profits et de la socialisation des pertes à ciel ouvert, sous le regard du public. Comme au théâtre. Tous ces dirigeants mesurent à quel point le système est en rupture. Les idéologies du libéralisme ne tiendront pas longtemps les citoyens en laisse. Le feu est dans la maison. AIG a administré aux Américains la preuve que leur argent n'a pas servi à sauver l'économie globale mais à remplir les poches de ses responsables.
Obama pouvait-il laisser faire ? Non. La preuve est qu'il ne s'agit pas de sa seule réaction mais de celle des Républicains comme des Démocrates, celle de la presse, celle de l'opinion publique qui compte. Le moins que l'on puisse dire est que la décision d'AIG passe pour irresponsable. Cette réaction indignée vient dire que le conseil d'administration d'AIG et ses managers ne savent pas sur quel volcan est assise l'Amérique.
Cette décision d'AIG tombe après la réunion des argentiers du G20. Les Etats-Unis ont bloqué la proposition européenne d'un contrôle accru des mouvements de capitaux, des paradis fiscaux, etc. Comment aller avec un tel arrière-plan à la réunion du G20 dont la seule tenue, le 02 avril à Londres, est la preuve de la gravité et de la profondeur de la crise ? Obama ne peut parler au monde, Hillary Clinton demander à la Chine de continuer à acheter des bons du Trésor américain et déclarer que la crise économique est plus grave qu'un danger militaire ; G. Brown ne peut demander aux pays du Golfe et à l'Arabie saoudite de financer l'effort occidental si par ailleurs AIG et les autres boîtes nous rappellent que ces dirigeants ne sont que leurs représentants, que leurs fondés de pouvoir, que leurs potiches politiques ?
Cette indignation est un signe patent des difficultés à tenir ou à contenir les protestations sociales inévitables dans un cadre acceptable pour la reproduction du système. Je vous ai déjà parlé de l'usage de cette nouvelle notion de radicalisme qui tend à remplacer l'usage de la notion d'extrémisme. Le terme de radicalisme ne vise plus seulement à désigner les seuls ennemis extérieurs, les terroristes, mais aussi à désigner les contestataires potentiels de l'ordre établi dans les pays dominants.
La situation aujourd'hui est porteuse de changements importants. Obama, comme les autres dirigeants du G7, a en charge de les contrôler et d'éviter qu'ils ne débouchent sur des bouleversements cataclysmiques pour son pays. Les places respectives de la Russie, de la Chine, de l'Iran et d'Israël vont devenir des questions clés. Car les solutions à la crise dépendent aussi de leurs ressources ou de leurs ressorts. Déjà la doctrine Brezinski est en marche. Plutôt la guerre froide que la guerre tout court. Plutôt la carotte et un bâton à peine caché. Mais cette stratégie n'est pas sans ennemis à l'intérieur des pays dominants. Les milieux restent présents en force dans l'administration Obama et refusent de céder la moindre part de leurs convictions et de leur vision du monde. Est-ce une réponse du berger à la bergère mais un journaliste vient de révéler un rapport de la CIA qui prévoit à terme, dans une vingtaine d'années, la fin de l'Etat d'Israël ? Cette analyse vient dire l'impossibilité de maintenir en vie artificielle un instrument conçu pour d'autres buts et dans d'autres circonstances historiques. D'autant qu'un Etat n'est pas un instrument comme un autre. Mis en œuvre, il acquiert une autonomie et développe des intérêts propres qui peuvent heurter à terme ceux des concepteurs. Il rejoint au moins sur un point un sentiment qui se généralise en Europe.
Le coût Israël devient rédhibitoire pour l'Occident. Jean Bricmont, le physicien belge et militant de la cause palestinienne, a bien vu la faille. Il la résume en un point essentiel : l'Europe n'a pas besoin d'Israël et entre les intérêts de quelques dizaines de milliers de colons juifs fanatisés et ses intérêts globaux, l'Europe doit vite faire le choix. Encore faut-il comprendre cette équation. Pour cela il a lancé une campagne dite BDS –boycott des produits israéliens, désinvestissement, sanctions. Naomi Klein, la journaliste et écrivaine canadienne, a également initié une campagne mondiale de boycott d'Israël. Partout dans le monde, des universités et des universitaires ont pris l'initiative de boycotter les universités israéliennes à titre collectif ou individuel. Plus de quatre cents associations ont déposé des plaintes pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais Israël gêne désormais la stabilité d'une immense région qui peut devenir capitale pour lutter contre la crise : une région riche et peuplée, pourvoyeuse de capitaux et marché important. Les deux dernières agressions d'Israël cadraient très bien avec la vision religieuse, intégriste de l'équipe Bush et des néo-conservateurs. Réaliser une promesse biblique se mariait parfaitement avec le choc des civilisations, la contrainte du parlementarisme comme forme exclusive de la démocratie, la désignation d'un nouvel ennemi post-soviétique. Mais les deux guerres d'Irak et d'Afghanistan se sont transformées en échec, laissant les opinions publiques médusées. Ce genre de guerre ne se termine pas en victoire par la destruction d'une armée adverse. Il n'y en a pas.
Et les opinions publiques apprennent au fur et à mesure que le décompte des dizaines de talibans tués ne donne pas la maîtrise du terrain, que ces talibans sont le plus souvent des civils, des femmes et des enfants et qu'au bout du compte ces mêmes talibans contrôlent toujours plus de terrain, de territoires. L'image qu'on nous présentait des guerres, comme celle qu'on nous présentait du
capitalisme, était bien fausse. Mais qu'est-ce qui n'est pas faux dans les représentations occidentales ? Entre l'indignation d'Obama, Israël, l'Afghanistan, les liens sont étroits. Toutes ces questions relèvent de la gestion du capitalisme d'une façon ou d'une autre et surtout de la sauvegarde de la suprématie américaine. Pour ces trois questions, les Etats-Unis se retrouvent à une croisée des chemins. Préserver la suprématie américaine ne consiste pas à imposer le modèle américain. C'est la leçon afghane de Brezinski. L'impérialisme peut se suffire d'être un impérialisme.
Ces nouvelles orientations n'ont pas encore gagné au sein de l'administration américaine. Rien n'est encore tranché. Les forces du changement aussi bien à l'intérieur des pays dominants qu'en Amérique latine, qu'au Proche-Orient savent que la crise est une extraordinaire opportunité, qu'elle peut servir d'occasion pour mettre à bas les idées, les images, les représentations qui ont déformé la vision du monde chez les citoyens du monde développé et chez les victimes de la domination. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. En Europe, l'alternative significative se joue entre gestion libérale ou gestion social-démocrate du capitalisme, les forces et les idées révolutionnaires y sont bien faibles pour mille et une raisons. Aux Etats-Unis, l'idée d'alternative passerait pour absurde à première vue. A première vue seulement car les forces centrifuges y sont latentes mais puissantes. Il leur suffit pour s'exprimer de circonstances idoines que la crise peut réunir.
En Amérique latine, la montée des forces de gauche exprime quelque chose qui va bien au-delà de la notion de socialisme pour prendre la forme et l'impétuosité de la libération nationale. Dans le monde arabe, l'alliance anti-iranienne d'Israël avec des régimes modérés vient d'apporter des clarifications importantes quant à la réalité des clivages politiques longtemps obscurcis par les rhétoriques religieuses. Partout l'impérialisme apparaît de plus en plus clairement comme l'ennemi commun des simples gens, de tous les peuples, y compris les peuples des pays développés. Mais surtout l'impérialisme apparaît pour ce qu'il est en réalité : un stade pathologique du capitalisme, celui d'AIG et de ses consœurs, le stade des junkies, selon l'heureuse expression de Danielle Bleitrach.
Les fractures sont là qui travaillent au séisme qui va ébranler ce système du vol et du crime. La conscience n'est pas encore tout à fait là pour en comprendre les causes lointaines et réelles. Mais les poussées révolutionnaires sont déjà partout.
M. B.


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