La campagne électorale a donc officiellement débuté après de nombreuses activités, décisions et moult discours relayés par la presse privée qui a bel et bien compensé certains silences des médias lourds ayant contribué à la création, inutile, d'une drôle d'ambiance. Avant la campagne, mais il reste du temps jusqu'au scrutin, il y a des constats irréfutables qui jouent en faveur du candidat Bouteflika dont les amis feraient mieux de se concentrer sur le programme de leur favori plutôt que sur d'autres camps qui risquent de bénéficier, par défaut, des erreurs et errements de l'Alliance présidentielle. La communication est un art subtil et les réactions psychologiques des Algériens sont trop complexes pour être réduites à des simplifications à la limite de l'infantile ou à des polémiques d'adolescents travaillés par l'acné et par une posture défensive. Chaque jour, le monde fourmille d'exemples de communications boomerang ou arrogantes qui échouent. La classe politique au pouvoir ne semble pas s'être départie de mécanismes, de slogans et de pratiques hérités du parti bolchevique qui s'est développé dans des contextes nationaux et internationaux n'ayant rien à voir avec le monde et l'Algérie d'aujourd'hui. Le constat premier jusqu'à preuve du contraire est que les candidats à la Présidence, adversaires directs de M. Bouteflika, n'ont pas de programmes tels qu'ils sont conçus, discutés, chiffrés et mis à la disposition des électeurs dans les nations démocratiques où les alternances de la base au sommet sont mises sur le tapis chaque jour, sans attendre une élection. Les successions, les alliances, les luttes politiques sont réfléchies au quotidien et se préparent non-stop bien à l'avance. Hormis Mme Hanoune, les challengers du président de la République sont, à des degrés divers, des inconnus dans le pays profond et, dans le meilleur des cas, ils représentent des reliquats d'un passé définitivement enterré par la mondialisation, les nouvelles mentalités à l'ouvrage en Algérie qui voient le foulard devenir un accessoire érotique et la barbe hirsute juste bonne pour effrayer le tout-petit. Comment un être raisonnable, musulman «normal» ni plus ni moins, pourrait-il conseiller à ses filles et parentes proches de voter pour un homme qui pense que le code de la famille et le Parlement actuels sont bons pour l'avenir de l'Algérie, au XXIe siècle durant lequel des scientifiques et des politiques pensent à coloniser de lointaines planètes, en supposant que toutes les femmes sont débiles ? D'ici la fin de la campagne, les citoyens en âge de voter auront des idées plus ou moins arrêtées sur chaque candidat, sur les arguments de ceux qui souhaitent le boycott et surtout sur la qualité, la hauteur de vue et l'esprit rassembleur des soutiens du candidat Bouteflika. Ce dernier part largement favori et «la trouille» manifestée çà et là dans son camp face à un éventuel taux pertinent d'abstention peut parasiter ses résultats et en même temps générer des germes d'intolérance antidémocratique, une perversion du libre arbitre de celui qui est seul face à sa conscience dans un isoloir. En fait, si personne ne sait aujourd'hui les résultats définitifs, M. Bouteflika aura aussi à compter avec les bourdes et les craintes déjà affichées dans son camp. Est-ce vraiment utile et constructif ? La communication peut ressembler étrangement à Janus, et à trop vouloir en faire et à stigmatiser… A. B.