Ils ont beaucoup parlé ! Mais qu'ont-ils dit ? Ont-ils été écoutés et compris par leur auditoire ? D'ailleurs en ont-ils un ? La question est somme toute légitime quand on sait le désintérêt quasiment absolu des citoyens vis-à-vis de ce rendez-vous à la magistrature suprême qui ressemble plus à des législatives, ne mobilisant pas grand monde. Les candidats, au nombre de six, ont occupé, en effet, l'espace médiatique algérien. Mais, honnêtement, y a-t-il un média, en dehors d'une certaine presse écrite, en mesure de mobiliser une pleine attention ? C'est en principe le rôle d'un média lourd, comme la télévision. Mais, il y a déjà longtemps que nos yeux boudent l'unique. Même si elle diffuse aujourd'hui en plusieurs copies conformes à l'original. L'ouverture se traduit par la différence et non pas par la quantité ! Ne pas confondre multiplicité avec multiplication ! Les six ont aussi parlé différemment ; ils se sont exprimés dans la rue, dans les salles, parfois à moitié pleines, pour rester optimiste. On les a également entrevus placardés ici et là, à travers nos rues, routes et campagnes. D'ailleurs, dans le cas de l'affichage, plus le candidat dispose de moyens, donc d'affiches, et plus, il véhicule le sentiment d'anarchie et d'abus d'autorité. À telle enseigne que dans la rue tout le monde y va de son estimation, concernant l'argent mobilisé pour un tel gâchis d'affiches, notamment celles au format géant représentant le candidat Bouteflika. Le parallèle est vite fait par rapport au nombre de kilos de pommes de terre et autres produits alimentaires, pouvant être achetés pour le prix d'une seule affiche ! Peut-être qu'une stratégie de communication, basée sur le long terme, aurait permis de trouver le moyen de placer une véritable passerelle entre l'administration et ses administrés, dont on se rappelle l'existence seulement à la veille de rendez-vous électoraux. Une communication de proximité, de tous les jours, faite de franchise et d'équité, aurait sans aucun doute rapproché les uns des autres. Et dans pareille situation, les moyens nécessaires à une campagne électorale, quand bien même excessifs, ne seraient pas perçus comme superflus ou outranciers. Ainsi, se sentant totalement impliqués et pris dans le jeu de la campagne comme un événement à dimension citoyenne, les potentiels électeurs et tout le reste de la population se sentiraient directement concernés par la confrontation, qu'ils percevraient comme une véritable fête nationale. Et que le meilleur gagne ! Comme on n'en est pas là, hélas, les gens ont le sentiment fondé d'être exclus des affaires de la cité, toute leur vie durant, pour enfin, venir leur rappeler leurs obligations civiques, réduites au seul acte de voter. Agréez à cette formule déjà usitée lors du précédent article, sur le même thème. “Une personne pense politiquement comme elle est socialement !” Le premier modèle explicatif du comportement électoral, souvent qualifié de “sociologique”, est associé aux travaux pionniers de Paul Félix Lazarsfeld (1901-1976) plus particulièrement reconnu pour l'importance de ses travaux sur les effets des médias sur la société, (université de Columbia). Il insiste sur la dimension non politique des choix politiques. En fait, l'électeur est avant tout un acteur social dont l'opinion se forme au contact de ses semblables, dans les conversations et les contacts au sein des divers groupes où il est inséré. Seul milieu naturel où il se reconnaît et y puise ses repères, aux antipodes des référents virtuels de tous ces pléthoriques responsables, rustres, se pavanant en costards gris austère, outrageusement motorisés, grâce aux deniers des contribuables, non consentants, bien sûr. Un désolant mode de communication non verbale où le look se suffit...Tel est, à peu près, le triste décor d'une campagne sans fard ni fanfare ! Une commission de surveillance à surveiller “J'attends, enfin, de Mesdames et Messieurs les magistrats qu'ils veillent au respect, par tous les intervenants, des dispositions de la loi électorale et, le cas échéant, de sanctionner avec rigueur toute violation de la loi”. C'est exactement en ces termes clairs et nets que le président Abdelaziz Bouteflika conclut son instruction présidentielle, relative à l'élection à la présidence de la République du 9 avril 2009. Par cette déclaration officielle, il instruit tous les agents de l'administration publique en charge de cette élection pour leur rappeler leur responsabilité de se conformer à la loi afin de garantir la sincérité des suffrages, le respect du principe d'impartialité et d'instaurer le climat de confiance entre tous les acteurs politiques. Est-ce que la réalité sur le terrain ressemble à quelque chose près à cela ? Aux vœux pieux d'un président de la République ? Non ! Et ce n'est qu'un constat ! Le comportement du président de la commission chargée de la surveillance des élections, largement relayé par la presse, contredit, on ne peut mieux, qu'au sein de cette structure de gage, le plein sens de garant et de retenue de réserve n'a pas été bien assimilé. D'autant qu'il s'agit d'un ancien garde des Sceaux. Ce qui amène à croire qu'il ne serait peut-être pas inutile de rappeler qu'un président, dès lors qu'il se déclare candidat, est soumis aux mêmes droits et obligations que tous les autres candidats. Par conséquent, et à titre d'exemple, l'avion présidentiel ne peut être utilisé que pour une mission relevant des prérogatives présidentielles et non pas pour des besoins de campagne. Tout comme les édifices et autres structures de l'administration publique ne devraient pas non plus profiter à un candidat au détriment d'un autre. Alors, quand un responsable, désigné pour ses qualités professionnelles et valeurs intrinsèques, entretient l'amalgame et trouve que pour des raisons pratiques, le président doit continuer à jouir de son statut, il y a désordre. Un tel climat, provoqué, de surcroît, par celui-là même chargé de moraliser les élections, ne peut que susciter méfiance et colère. Faut savoir dépassionner, pour ne laisser travailler que la tête sans que le cœur s'en mêle ! Pour rester dans le domaine de la communication, gageons qu'un plan préalablement élaboré par des professionnels de la communication, institutionnelle et de crise, aurait anticipé sur un tel dérapage, et su trouver les méthodes et formes communicationnelles à même d'apaiser et conforter les différentes parties, au demeurant très susceptibles en une telle période de grande tension. Comment ont-ils communiqué ? Louisa Hanoune donne la nette impression d'être la candidate la plus engagée dans ces joutes. Son discours, qu'il plaise ou non, ne souffre d'aucune fioriture. Il est net et précis ! On aime ou on n'aime pas ! Mais ses représentants et souvent représentantes ne véhiculent pas toujours la même perception, chiche, des idéaux chers au PT. Louisa Hanoune prône l'idée d'une rupture totale avec le système de gouvernance actuel. Le PT, à travers son leader, sait trouver les bons mots, mais semble ne pas tenir compte d'une réalité mondiale, indissociable des politiques internes. Celle qu'on traitait, il y a quelques années, de démodée. Aujourd'hui, à l'ère où il ne faut pas se gêner de bousculer son monde, passerait bien pour être à l'avant-garde de la politique. Mohamed Saïd a largement axé sa communication autour d'un thème très rassembleur : l'agriculture et l'eau. Voilà un domaine qui intéresse aussi bien le fellah que le simple consommateur. Tant le rural, par sa vocation à être près de la terre que le citadin, soucieux de l'incidence des mauvaises conditions liées au monde agricole, sur les prix des fruits et légumes. En fin communicateur, il revient sur ce qui, de tout temps, est montré du doigt, la corruption qui gangrène le pays sans que rien n'y fasse ! Un sujet qui chauffe bien les salles. Le candidat Abdelaziz Bouteflika, fort de deux victoires électorales à haut niveau, assimile cette édition à une quelconque opportunité d'évaluer ce qui a été réalisé lors de ses deux précédents mandats. Dans le même esprit, il se projette pour les cinq années à venir afin d'apporter d'éventuelles variations de cap. Egal à lui-même, il rappelle qu'il entend bien être le président de tous les Algériens. Cela dit, les dépassements et comportements de quelques zélés, notamment de l'administration, à imputer au compte du candidat, ne lui vaudront pas que de la sympathie. De très mauvais plis ont été pris. Même le plus profond des vases risque de déborder un jour. Faut savoir tenir ses promesses et garder l'œil ! Le discours de Fawzi Rebaïne rappelle l'école libyenne. Mettre toutes les ressources du pays à la disposition de tous les citoyens, de manière équitable. Mais ce n'est que devant Dieu que nous sommes tous égaux. Dans la vraie vie ça ne se passe pas comme ça Sinon, qui serait l'équipe et qui serait le chef d'équipe ? En 2009, on attend d'un candidat à la magistrature suprême un discours plus réfléchi, qui colle à la réalité économique et sociale, où l'on ne partage rien qui ne soit pas à soi ! On se bat pour l'obtenir. Pour l'avoir souvent écouté avec intérêt, avant ces élections, on peut dire sans se tromper qu'il est plutôt mal conseillé en termes de communication lors de ses dernières sorties. Le candidat Rebaïne, à l'instar des autres postulants, prône la rupture totale avec le système qui a gouverné le pays jusque-là. Le candidat Djahid Younsi veut tellement ratisser large qu'il risque d'étonner et de déplaire même à ses plus fidèles potentiels électeurs. La notion de “un tiens vaut mieux que deux tu l'auras” devrait lui donner à réfléchir ! Il est vrai que Djahid Younsi doit bien avoir des personnes qui partagent avec lui les mêmes idées. Mais ce potentiel électoral, pour peu qu'il ne se reconnaisse plus dans la nouvelle position de son leader, risquerait d'aller voir ailleurs ! Comme quoi, quand on est engagé dans un idéal, il faut l'assumer jusqu'au bout. On ne peut pas sauter d'un avion à un autre ! Il ambitionne de jouer la carte des jeunes, représentant 75% de la population, alors qu'il a le quitus de la tendance islamiste. Or, tous les jeunes ne souhaitent pas vivre en marge de leur époque. Ils préféreraient certainement 2009 à 1430. En politique, la communication, c'est stratégique. Pour le candidat Moussa Touati, la solution viendrait par le rétablissement de la crise que vit le pays. Il estime que ce n'est pas en fuyant que l'on pourra être d'une quelconque aide. Sur le plan économique, il préconise le développement du potentiel humain comme moteur de la vie socio-économique, tout en dénonçant le détournement des richesses du pays par certains, y compris étrangers. Son mot d'ordre : concrétisation d'un Etat de droit et de justice. Son discours reste très approximatif, dans le fond et populiste dans la forme. On en garde un sentiment d'inconsistance. R. L.