Photo : Sahel Par Hasna Yacoub Le premier meeting du candidat Mohamed Saïd, tenu jeudi dernier à la salle Atlas de Bab El Oued, s'est clôturé avec des incidents déplorables. Les bus ayant ramené les participants à cette manifestation ont été attaqués et leurs vitres brisées. Ce qui était prévisible compte tenu de la composante de l'assistance. En effet, dès l'ouverture des portes de la salle Atlas, à 14h, des jeunes, n'ayant pas l'âge de voter, ont été invités à prendre place. Ils ont transformé le meeting en une tribune de stade. Dans un va-et-vient incessant, après une attente de plus de 90 minutes, les adolescents avaient commencé à s'impatienter. Les chansons révolutionnaires qui résonnaient dans la salle n'ont pas réussi à étouffer leurs voix scandant des slogans propres aux supporters en football. Mohamed Saïd arrive enfin vers 15h30. Il entre dans la salle sous les applaudissements des adolescents. Après des versets coraniques et l'hymne national, retour au vacarme et au tapage. Les jeunes décident de s'amuser durant l'intervention du candidat. Les petits livrets de son programme électoral, distribués aux présents, se transforment en avions de papier et survolent la salle. Décidé à poursuivre son meeting malgré le chahut, Mohamed Saïd commence son intervention en relevant que le lancement de la campagne présidentielle «coïncide avec la fête de la victoire et le recouvrement par l'Algérie, après une guerre sanglante, de sa souveraineté nationale». Le candidat a appelé les Algériens à tirer des leçons de cet évènement et à croire au changement. «La volonté est ce qu'il y a de plus important, la liberté ne peut que s'arracher et on reconnaît les hommes à leurs positions», a estimé M. Mohamed Saïd, ajoutant à l'adresse des jeunes : «Il faut être fier de l'histoire de l'Algérie qui doit être considérée comme une source d'enseignement incitant au changement.» «Avec le sacrifice, nous avons obtenu l'indépendance, avec le sacrifice, on réussira le changement», a-t-il déclaré. Il leur demandera d'observer une minute de silence à la mémoire des chouhada avant de leur renouveler le serment «de défendre l'unité nationale, l'unité territoriale et l'unité du peuple». Revenant à la campagne électorale, Mohamed Saïd a fait remarquer qu'elle s'ouvre avec «une impression que les dés sont jetés d'avance, comme s'il s'agissait d'une tentative de préparer l'opinion publique à un résultat connu avant même la tenue du vote». Il a ajouté que les médias «sont mobilisés dans un sens unique». Très acerbe à l'égard du Premier ministre qui préside la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle, Mohamed Saïd affirme que «des spécialistes de la fraude ont été placés à la tête de cette commission», relevant également que «les précédentes semaines ont vu apparaître des affiches avant même le début de la campagne électorale». Expliquant les raisons qui le pousse à participer à cette élection malgré ces obstacles, il dira : «Ceux qui tentent de distiller l'idée que les dés sont jetés veulent assassiner l'espoir et ancrer le désespoir dans l'esprit des jeunes. Ceux qui tentent de nous faire croire que le résultat est connu d'avance ne tolèrent aucun changement, la pérennisation de la situation actuelle étant à leur avantage. Mais ce qui nous importe, nous, ce n'est pas tant le résultat de cette échéance électorale mais le message à transmettre aux Algériens, leur dire que le changement est possible et qu'il y aura toujours de l'espoir grâce à la résistance des hommes.» Des hommes qui restent debout, qui résistent malgré le fait «de vivre dans une société encadré par un Etat inexistant et où les institutions n'ont pas été élues par le peuple». Mohamed Saïd abordera ensuite la politique de «chekara» (du sac, ndlr, traduisant l'existence de la corruption) et celle du régionalisme avant de s'étaler sur la pauvreté d'un peuple dont le pays récolte les milliards de dollars de l'or noir. «Est-il possible de pratiquer la politique de l'autruche au moment où le peuple a faim, chôme, subit la bureaucratie et se jette à la mer ?» s'est-il demandé. Il déclare comprendre le choix des harraga, ces mêmes jeunes désignés comme hitistes, il y a une vingtaine d'années. «Nous avons 150 milliards de dollars dans les caisses mais nos jeunes se suicident en mer. Quelle importance de parler du développement si ce n'est pas pour l'amélioration de la vie du peuple ? Est-ce uniquement à l'adresse des détenteurs de capitaux ?» Mettant sur le même pied de désespoir les harraga, les toxicomanes et les kamikazes, Mohamed Saïd affirme que tous ces actes sont synonymes de désespoir. Considérant que la voix de l'Algérie n'a plus de résonance sur la scène internationale, il propose «un changement dans la politique et les mentalités». Il a promis que si le peuple votait pour lui, il mettrait en œuvre la «démocratie véritable» en faisant participer le peuple dans la prise de décision et en transformant le régime de présidentiel en régime parlementaire qui est, a-t-il estimé, «le meilleur régime pour la phase transitoire que vit l'Algérie actuellement». Il a également promis de mettre en œuvre la justice sociale et de réhabiliter la classe moyenne afin de «préserver l'équilibre et la stabilité de la société». «Le changement est possible pour peu que nous voulions que le pays sorte de la crise», a-t-il encore affirmé.