De réunion en réunion, sans pour autant arriver à mettre fin à cette crise économique, en Europe, le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union, réunis ce week-end, a été marqué par la prise de plusieurs décisions. De prime abord, il s'agit d'augmenter d'au moins 75 milliards d'euros leur contribution commune au Fonds monétaire international (FMI). Prise par les dirigeants de l'UE afin de faire face à la crise, cette décision est justifiée, selon les spécialistes, par le souci d'avoir une position commune en vue du sommet du G20, qui se tiendra au début d'avril dans la capitale britannique. Egalement, cette décision leur permettra de demander aisément aux pays du G20 de doubler les ressources du FMI pour les porter à 500 milliards de dollars afin qu'il soit mieux en mesure de venir en aide aux pays les plus touchés par la crise. En revanche, cette décision ne pourrait satisfaire la demande des Etats- Unis, qui ont appelé à tripler les ressources du FMI pour aider des pays à faire face aux problèmes économiques et financiers. Jusqu'à présent, le Japon a promis d'ajouter 100 milliards de dollars au FMI. Les dirigeants européens se sont aussi mis d'accord pour doubler leur enveloppe de prêts d'urgence disponibles pour les pays d'Europe centrale et orientale membres de l'UE, en difficulté face à la crise, pour la porter à 50 milliards d'euros. A titre d'exemple, la Hongrie et la Lettonie ont déjà reçu 9,6 milliards d'euros provenant du Fonds, et d'autres pays, dont la Roumanie, pourraient faire appel à cette aide en raison de la crise. Par ailleurs, les participants à cette rencontre se sont mis d'accord sur le principe de financer des projets d'investissement d'un montant de cinq milliards d'euros dans les infrastructures liées à l'énergie et à l'Internet à haut débit. «Nous avons abouti à un accord de principe sur le financement du plan de redressement de ces infrastructures», a dit le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek, dont le pays assure actuellement la présidence de l'UE, cité par les agences de presse. Dans ce sillage, le président de la Commission européenne (CE), Jose Manuel Barroso, a déclaré que les dirigeants européens se sont mis d'accord sur une liste concrète des projets qui doivent être financés avec ce montant qui sera dépensé d'ici à 2010. Alors que les Européens parlent de projets à financer, les Américains sont envahis, tout récemment, par la hantise de voir leur monnaie disparaître. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, on commence actuellement, à parler d'une crise… monétaire. D'une crise économique à une crise monétaire En effet, la crise vient d'entrer dans une nouvelle phase avec la décision de la Fed d'acheter 300 milliards de dollars de bons du Trésor et 500 autres de créances assises sur des crédits immobiliers titrisés probablement insolvables, soit au total 800 milliards de pure création monétaire ! Encore une gaffe financière au pays de l'Oncle Sam. Les Etats-Unis ont donc décidé de financer leur plan de relance par des «moyens non conventionnels», selon les spécialistes en la matière. «Jusqu'ici, les Etats-Unis parvenaient à financer leurs déficits budgétaires et commerciaux par une importation de capitaux avec la vente de produits financiers, plus ou moins frauduleux. Ce n'est désormais plus possible», soutiennent certains analystes cités par des agences de presse. Pour les mêmes sources, les Américains se sont rendus compte qu'il n'y a plus suffisamment d'acheteurs dans le monde pour leurs produits financiers, synonyme peut-être du début de l'effondrement du dollar. Là, les marchés financiers seront devant une situation qu'aucun ne s'est aventuré à prédire. Il s'agit de «la création monétaire» par les Banques centrales pour les besoins publics. En effet, le recours massif à la planche à billets semble avoir été une surprise générale pour les marchés. Résultats : cela va conduire à coup sûr à l'hyperinflation. Peut-on faire face à la crise par la création monétaire ? Le débat s'impose de plus en plus d'autant que quelques arguments commencent à tenir la route pour certains économistes. Il s'agit de prime de désendettement massif et de la contraction du crédit qui en a résulté. Ce paramètre a eu pour effet de détruire de la monnaie. «Il n'est donc pas illogique de rechercher aujourd'hui à stimuler sa création», analysent certains experts. L'autre argument a trait à la problématique de la relance de l'inflation qui constitue l'une des conditions les plus sûres pour se sortir de la pyramide de dettes qui étouffe l'économie mondiale. Sur ce point, la dépression mondiale conduit plutôt à un contexte déflationniste, synonyme de l'injection de monnaie supplémentaire. Il est utile de signaler que le Vieux Continent a interdit ce procédé dans ses traités, et, par ricochet, la BCE ne pouvait acheter que des créances privées, même si le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a récemment envisagé de recourir à des moyens non conventionnels, c'est-à-dire à la création monétaire. Enfin, l'autre l'élément qui tient la route dans ce sillage est la baisse des taux d'intérêt. En effet, ce moyen le plus classiquement utilisé pour créer de la monnaie nouvelle est déjà au plus bas aux Etats-Unis, comme en Europe, ce qui, dans un contexte de dépression, ne suffit pas à relancer la demande de crédit. «Créer de la monnaie pour l'injecter directement dans l'économie via la dépense publique peut donc permettre de soutenir la demande dans l'économie réelle», arguent les autres experts. S. B.