Photo : Riad Par Noureddine Khelassi Récemment, à Sétif, ville où le football performant se dope à l'eau bénite d'Aïn Fouara, mais pas seulement, le président de la République s'est demandé : «Où sommes-nous ?» La question existentielle, posée devant un parterre d'anciennes gloires du football, est à la fois un état des lieux et une projection d'avenir. Elle revêt une signification particulière dans la dernière ligne droite abordée par l'équipe nationale de football qui entame le chemin du rêve sud-africain, aujourd'hui, au Rwanda.Effectivement, où sommes-nous par rapport à des lauriers fanés et un avenir dont on ne perçoit pas encore les contours ? Le football algérien, qui porte encore les sept plaies d'Egypte, ne tourne pas rond. C'est une plate évidence et ça ne date pas d'aujourd'hui. Le sport roi n'est pas, dans l'absolu, un football performant. Ses statistiques de performance, étiques en diable, traduisent bien son indigence : une seule coupe d'Afrique gagnée (1990), chez nous de surcroît, et deux participations de rang au Mondial (1982, 1986) achevées au premier tour. Et, depuis l'indépendance, seuls quatre clubs, le MCA, la JSK, l'ESS et le MCO, ont glané des titres arabes et africains. Les coupes maghrébines, réduites jadis à trois clubs champions algériens, tunisiens et marocains, n'étaient pas dignes d'intérêt. D'ailleurs, le CRB et le MCA qui les ont gagnées, ne les revendiquent pas aujourd'hui comme des titres de gloire. Seul baromètre fiable, le classement FIFA, à l'échelle internationale et à l'échelon africain, exprime bien la position de l'Algérie, celle d'un petit pays de football. A la veille du match qualificatif contre le Rwanda, l'Algérie occupe la 64ème place mondiale derrière le Gabon et le Congo. Et, au niveau africain, le 13ème rang après les deux mêmes nations africaines. Loin, bien loin, de l'Egypte (31ème mondial et 3ème africain), adversaire direct des Verts, et le Cameroun et le Nigeria, respectivement 16ème et 24ème FIFA et 1er et 2ème en Afrique. Aujourd'hui, le football algérien se présente à Kigali nanti d'indices de performance incitant à la modestie mais n'interdisant pas pour autant le rêve. Kigali pourrait être l'amorce de quelque chose qui ressemblerait à un songe de nuit de printemps. Un bon résultat des Fennecs serait peut-être cathartique. Il annoncerait alors une nouvelle ère, tellement attendue, qui mettrait le football au diapason des potentialités humaines et économiques du pays et des rêves de grandeur de toute une nation. Une qualification au Mondial sud-africain, serait même plus significative que la première participation à un Mondial espagnol inscrit sur la longue liste des traumatismes collectifs algériens. La symbolique serait très forte : on jouerait alors chez nous, en Afrique, qui organise pour la première fois un Mondial ; et, de surcroît, chez l'immense Nelson Mandela qui fêtera alors ses 91 printemps. Dans le registre des symboles, à titre d'exemple, ce serait pour Abdelaziz Bouteflika «le plus noir des Africains» et citoyen-supporteur, un pur bonheur panafricain. Pour nous aussi, certainement. Une éventuelle qualification, loin d'être acquise dans un groupe où l'Egypte paraît pharaonique, provoquerait dans le pays un immense élan d'enthousiasme et un effet d'entraînement sportif. Et, c'est ardemment souhaité, ferait entrer une Algérie frustrée et meurtrie dans un cercle vertueux, encourageant à lancer une véritable révolution du football en particulier et du sport en général. C'est-à-dire, la réforme sportive Houari Boumediene de 1977 à une plus vaste échelle. Celle, évidemment, du sport de performance, de la pratique de masse et de l'économie du sport. Ce qui implique le lancement d'un vrai «plan Marshall» pour l'ensemble du sport algérien. Les investissements colossaux qu'il implique à l'échelle de tout le pays, permettraient de rattraper le retard par rapport à certains voisins maghrébins en matière d'infrastructures, de système de formation et de préparation des élites. Et, surtout, d'organiser «deux Coupes du monde en même temps», selon la formule patriotiquement optimiste du plus vert des supporters des Fennecs, un certain candidat pour un troisième mandat présidentiel.