Finalement, l'homo-algérianicus serait avant tout, après tout et par-dessus tout un Amazigh. Donc, «nous sommes tous des Amazighs». L'auteur de cette affirmation solennelle est le président de la République lui-même. Après l'identification collective, Abdelaziz Bouteflika s'est récemment présenté, intuitu personae, comme un «authentique Amazigh». Ecume de vagues électorales ? Sachant que l'affirmation a été exprimée et réitérée dans deux villes de la Kabylie, terre fertile d'une amazighité lourde de symboles, des esprits malveillants pourraient le penser. Ce serait, le cas échéant, faire injure au chef de l'Etat que de l'imaginer. Et persister dans le procès d'intention en se demandant si telle assertion aurait été formulée ailleurs. Mais seuls comptent finalement les propos dont l'auteur sera inéluctablement comptable devant l'opinion publique et l'Histoire. Abdelaziz Bouteflika a donc pour lui le bénéfice du doute et de la sincérité. D'ailleurs, pour mieux suggérer que les racines berbères, ces fameux Izuran, remontent au moins au paléolithique moyen, il a livré les composantes de l'identité algérienne dans un ordre inhabituel. Le triptyque officiel qui en est le socle et l'humus ne serait plus, dans l'ordre classique, l'arabité, l'islamité et l'amazighité. L'ordre ainsi inversé des éléments constitutifs du «Nous» algérien, serait désormais l'amazighité, l'islamité et l'arabité. Juste retour des choses, la berbérité ayant historiquement précédé l'arabité et l'islamité qui sont à la fois concomitantes et consubstantielles. Quid alors de l'affirmation d'Abdelhamid Ben Badis, reprise à son compte par le régime, selon laquelle «nous sommes des Berbères arabisés par l'Islam» ? Ainsi, ne sommes-nous plus des Arabes de souche ou de fait mais plutôt des Berbères intégraux ou des Berbères arabisés. Nous sommes alors plus conformes à la typologie khaldounienne des «barabira» et des «barabira moustâaraba». L'affirmation du président de la République a, in fine, l'air d'une profession de foi qui, souhaitons-le, serait l'amorce d'une décrispation nationale sur la question de l'identité amazighe. Le début d'une ère apaisée où la question des langues tamazight et arabe ne serait plus l'otage et l'apanage des culturalistes berbères intégristes et des intégristes panarabistes de l'idiome de Djahiz. Les uns et les autres se sont érigés en adeptes religieux de langues sacralisées. Face à eux, le régime, lui, a imposé le déni identitaire berbère et l'arabisation autoritaire comme politique de fuite en avant. Ceci dit, l'affirmation d'Abdelaziz Bouteflika serait historique si elle était suivie d'actes politiques majeurs. Comme la création d'une académie de tamazight et d'un conseil national de l'amazighité ; en même temps que la généralisation de l'enseignement de la langue berbère et de sa proclamation comme langue officielle aux côtés de l'arabe. En principe, la question ne devrait pas poser problème, car «nous sommes tous des Amazighs». Et c'est le président de la République, qui a lu «Ce que parler veut dire» de Pierre Bourdieu, qui le dit. N. K.