Loin des déclamations solennelles, c'est plutôt sur un ton léger que se sont ouvertes dimanche dernier les lectures poétiques du «Printemps des poètes d'Alger». La salle de spectacle du Centre culturel français d'Alger n'était pas comble, mais les fidèles étaient là, avec en plus quelques noms connus : Samira Negrouche, Djamel Mati, Mustapha Benfodil et autres… Sur scène, des livres parsemés et un tourne-disque projetant la voix d'Edith Piaf plantent déjà le décor poétique. La compagnie «Gare au théâtre», un duo vocal à cordes fait alors son entrée. Mustapha Aouar pour déclamer des mots de Verlaine, Rimbaud, Aragon, Desnos et autres et Eric Recordier à la contrebasse et aux samples à pied pour créer l'atmosphère musicale destinée à donner de l'ampleur à cette lecture poétique. «Rustique beauté, qu'on a dans les coins, tu sens bon les foins, la chair et l'été…» C'est avec ces vers extraits du poème A mademoiselle de Paul Verlaine qu'a commencé le voyage au bout des mots… des mots parfois murmurés, d'autres fois saccadés ou encore fredonnés… une voix tantôt claire et sonnante, tantôt à peine audible. Des gestes emportés frôlant le comique, puis des regards intenses dans l'immobilité, Mustapha Aouar a su alterner les tons dès le premier poème. Place à la suite avec les Chiens d'Asnières de Raymond Queneau : «On enterre les chiens/on enterre les chats/on enterre les chevaux/on enterre les hommes/on enterre l'espoir/on enterre la vie/on enterre l'amour – les amours/on enterre les amours – l'amour/on enterre en silence le silence/on enterre en paix – la paix/la paix – la paix la plus profonde […]/il y a une tombe pour tout/à condition d'attendre/il fait nuit/il fait jour/à condition d'attendre…» Après quoi Mustapha Aouar ne pourra plus s'arrêter…du Aragon, du Rimbaud, du Prévert, du Desnos… des mots qui se suivent, qui captent, touchent et tiennent en haleine durant plus d'une heure de mise en scène. Son interprétation n'a pas fait l'unanimité parmi le public. Certains ont apprécié sa proposition légère et enjouée, d'autres sont restés réticents, ayant à l'esprit les déclamations uniques de Léo Ferré qui les empêchent d'en apprécier d'autres… mais rien n'est perdu pour ceux que cette soirée poétique a laissés sur leur faim. Jeudi prochain, une autre proposition est au programme, toujours dans le cadre du «Printemps des poètes». Sur scène, la compagnie «Grain de sable» qui interprétera des textes de Jacques Prévert à partir de 19h au même endroit. endez-vous est donc pris ! F. B. Retour sur le parcours de Mustapha Aouar Sociétaire SACD, il a produit depuis 1986 près de quarante spectacles avec sa compagnie «Cie de la gare». Il fonde en 1996 «Gare au théâtre» un lieu d'échange et d'expérimentation. Il y développe et y multiplie des «outils de rencontre» notamment autour de nouvelles écritures avec les Editions de la gare qu'il créé en 1998. Chaque année, «Gare au théâtre» organise son «contre-festival» d'Avignon, «Nous n'irons pas à Avignon» dont le décalage assumé en fait un rendez-vous estival devenu incontournable. Après avoir écrit ses spectacles, il se tourne ensuite vers des auteurs différents, tels Azziz Chouaki, Fatima Gallaire, Raoul Ruiz, Jacques Jouet, Michel Simonot, Elsa Solal, Gérard Lépinois, Marguerite Duras…