Abdelaziz Bouteflika a visiblement obtenu ce qu'il voulait, c'est-à-dire cette très large majorité qu'il revendiquait ouvertement et explicitement à l'annonce de sa candidature à la Coupole Mohamed Boudiaf lorsqu'il avait déclaré, convaincu et confiant, qu'un président doit être cautionné par la majorité écrasante du peuple. Certes, 15 millions d'électeurs sur 20 millions d'inscrits, ce n'est peut-être pas encore tout à fait l'équivalent de la majorité exemplaire en pareilles circonstances, puisque 5 millions d'Algériens en âge de voter se sont abstenus de se rendre aux urnes. Toutefois, l'évaluation du taux de participation, ou celui de l'abstention, à des joutes électorales, ne recourt pas exclusivement aux outils traditionnels de l'appréciation et, dans le cas de l'élection présidentielle de jeudi dernier, il serait plus qu'utile pour les statistiques et les commentaires qui s'ensuivent d'être placés dans une configuration de campagne électorale fortement marquée par le spectre de l'abstention. Partant de cette approche, les 74,54% d'électeurs ayant accompli le vote méritent automatiquement la distinction «forte majorité» et, partant, les 90,24% de voix au bénéfice de Bouteflika empruntent le chemin de la logique arithmétique et deviennent convertibles en «majorité écrasante». Celle qui efface même les 84,99% de voix obtenues par le même candidat en 2004 pour un taux de participation alors nettement moins élevé. En fin de compte, le dramatique taux d'abstention ayant caractérisé les dernières élections législatives n'aura pas été seulement un échec, bien au contraire, il aura eu un effet préventif chez les pouvoirs publics en leur offrant l'occasion d'appréhender la présidentielle d'avril 2009 avec un capital mauvaise expérience assez instructif en vue d'éviter d'autres douloureuses surprises. D'où cette campagne parallèle à celle des candidats qui aura traqué l'abstention jusqu'au bout et dans ses moindres retranchements, faisant usage d'un imposant arsenal promotionnel de l'acte de voter qui s'est avéré efficace et fructueux, voire plus. L'abstention n'a donc pu tenir le rôle de vedette de cette quatrième élection présidentielle pluraliste en Algérie jusqu'à l'heure de vérité, celle du décompte final et des chiffres. Les Algériens ont été majoritaires à dire oui aux élections, ce qui dénote le sens hautement important du droit et du devoir contenus dans l'acte de voter. Serait-ce là l'augure d'une nouvelle trajectoire entamée dans la conquête de l'acte citoyen ? Celui qui ne se contentera plus d'être confiné à s'exprimer dans le seul isoloir des circonstances, mais qui se manifestera tous les jours que Dieu fait et dont les urnes seront un passage obligé et privilégié à la fois. Un acte de foi à instituer pour d'autres taux de participation à majorité encore plus écrasante. L. I.