L'Algérie est un pays bien singulier : son pluralisme politique n'a pas de pendant syndical et sa presse écrite plurielle n'a pas d'équivalent audiovisuel. Depuis l'indépendance, c'est le règne perpétuel de la pensée unique cathodique. La seule chaîne publique s'est déclinée depuis en une offre programmatique diversifiée. Pour autant, la diversification n'a pas signé la fin de l'unicité de pensée. Deux offres de programmes généralistes et deux nouvelles chaînes thématiques, une coranique et une autre en tamazight, ne forment pas forcément un bouquet, pas plus qu'elles n'expriment pluralisme et diversité. Les choses semblent donc figées. L'ouverture politique du secteur et sa libéralisation économique ne sont pas encore à l'ordre du jour. Le président de la République, détenteur en la matière du pouvoir de décision souverain, n'a pas montré jusqu'ici le moindre signe suggérant une éventuelle ouverture. En dépit d'un débat récurrent animé par des partisans de l'ouverture, dont des médias, des professionnels et des partenaires occidentaux de l'Algérie, les pouvoirs publics campent sur une position de refus systématique. Ils donnent l'impression d'appliquer rigidement le principe de précaution. Fidèles à la formule populaire qui veut «qu'on ferme la porte qui amène le vent». Le «vent» en question, c'est le risque de livrer l'audiovisuel à des puissances d'argent. Et, du coup, favoriser une hypothétique déstabilisation politique du système. Précisément, de voir alors se constituer des oligarchies politico-financières. L'exemple russe semble avoir été bien médité. Mais, fermer, est-ce vraiment se prémunir ? La réponse est évidente. Elle est d'autant plus patente que le pays vit dans une espèce de schizophrénie télévisuelle. Son opinion a naturellement la liberté de zapper les programmes de «l'orpheline» du paysage audiovisuel, au profit d'offres étrangères abondantes. A l'évidence, la prudence excessive ne règle pas la question qui doit être inéluctablement tranchée, une porte étant fermée ou ouverte ! On ne peut donc indéfiniment retarder la décision d'ouverture du champ audiovisuel. Sauf à accepter d'être, avec le royaume de Bhoutan, le seul pays au monde à ne posséder qu'une chaîne de télévision même si son offre est multi-déclinée. Il s'agirait, le cas échéant, de libérer avant de libéraliser. A savoir, ouvrir graduellement. D'abord, créer un pôle de télévision publique diversifiée, accessible à l'opposition politique et à la société civile. Ce qui aurait l'heur de valoriser le dialogue et d'enrichir la culture démocratique. Ce pool télévisuel comporterait notamment des télés régionales, des chaînes thématiques et des programmes interactifs. Pourquoi pas aussi une télévision numérique terrestre (TNT) dans le cadre d'un partenariat public-privé national, ouvert ensuite à des partenaires étrangers apportant du savoir-faire ? Ce n'est qu'après qu'on ouvrira réellement le secteur au privé national et étranger, sur la base de cahiers des charges extrêmement rigoureux. Les obligations des futurs opérateurs étant contrôlées par des instances nationales de surveillance et de régulation. Celles-ci devraient être des vigies très vigilantes. C'est, tout simplement, des conseils supérieurs de l'audiovisuel, émanation de l'intérêt et de la souveraineté nationaux. On n'invente pas l'eau chaude télévisuelle pas plus que le fil à couper le beurre cathodique. N. K.