Que c'est triste la presse au temps des amours mortes. Que c'est triste la presse comme des amants qui ne se parlent plus. Que c'est triste la presse en ce 3 mai. Alors que la beauté bourgeonne partout, la presse se replie sur elle-même et se fane comme des feuilles d'automne. Que c'est triste la presse quand les intérêts s'entrechoquent. Que c'est triste la presse quand elle se détourne d'elle-même, quand elle se haït, quand elle brise tous les miroirs qui reflétaient ses forces et ses faiblesses. En ce jour qui est le sien, aucune action regroupant toute la presse n'a été initiée. Par qui peut-elle être initiée quand la corporation est plus que jamais disloquée ? Ni syndicat, ni association, ni conseil de l'ordre, ni un minimum d'entente pour reprendre langue et agir en commun en cette occasion. Certes, la liberté de la presse et la liberté d'expression ne sont pas le monopole de la corporation, mais c'est cette dernière qui symbolise cet idéal de liberté de ton, de dire, d'informer. Une société sans communication est une société muette. Cependant, communiquer ne signifie pas informer. Le paradoxe de la presse algérienne, c'est justement de communiquer avec les lecteurs alors qu'elle ne communique pas entre elle. La presse se boude depuis tellement longtemps qu'une méfiance profonde s'est installée aussi bien entre les éditeurs qu'entre les journalistes et que toute la composante de la corporation s'est oubliée et a oublié le dénominateur commun qui la lie et qui la condamne à s'entendre, à reprendre langue, pour pouvoir identifier ses intérêts, pour les défendre et pour peser sur les scènes nationale et internationale, pour s'imposer comme une force de proposition face aux pouvoirs publics et enfin pour s'imposer effectivement comme un quatrième pouvoir qui définit ses règles d'éthique et de professionnalisme. Un autre 3 Mai est célébré par tous sauf par la première concernée. Plus de 300 titres entre quotidiens, périodiques et magazines, répartis à travers le pays, sans parler des médias lourds et de leur démembrement, sans citer les confrères qui travaillent en free-lance. Une profession qui unit dans le meilleur et dans le pire près de 10 000 femmes et hommes qui s'ignorent et dont la majorité ne se connaissent plus tant les liens et les ponts sont rompus depuis longtemps. Une corporation qui va s'élargir encore plus au vu des contingents de journalistes sortant chaque année des universités et livrés à eux-mêmes dans des rédactions lugubres, sans prise en charge, sans suivi, sans formation et sans plan de carrière. La nostalgie des années MJA devient ainsi une litanie, un soliloque qu'on ressasse à chaque 3 Mai, faute de conscience de soi, faute de volonté d'agir pour soi. Pourtant, la génération MJA n'est pas plus combative que celle qui a affronté le terrorisme, que celle qui se débat aujourd'hui dans un contexte social inédit, et qui se bat comme elle peut contre des contraintes et des pesanteurs des plus abortives, des plus castrantes. Le mérite de la nouvelle génération de journalistes réside justement dans sa capacité à s'adapter à un contexte rude et à apprendre le métier sur le tas sans encadrement réel, ni formation adéquate. Aujourd'hui, c'est à cette génération qu'il s'agit de rendre hommage, car les aînés semblent avoir baissé les bras. Si le MJA est mort et n'a pu renaître de ses cendres, c'est parce que les aînés l'avaient laissé mourir avant de disperser ses cendres aux quatre vents. Mais qui sait peut-être que ces vents ont caressé les rêves de la nouvelle génération. A. G.