Kamel Messaoudi était et demeure toujours cette bougie qui se consume pour éclairer les autres. «Ton départ je l'ai payé de mes larmes/ chaque larme est une histoire/ je t'ai demandé de revenir/ mes plaies se refermeront.» Sept ans plus tard, les larmes ont cessé de couler mais la douleur subsiste toujours. Kamel Messaoudi, qui se souvient de ce nom? Question impertinente, autant dire qu'il se rappelle de lui-même. Pourtant, cela fait déjà plus de deux mille cinq cent cinquante-cinq jours depuis que ce rossignol est allé rejoindre le ciel «pour briller à coté des étoiles, comme les nouvelles...» Comme les nouvelles quoi? Que Francis Cabrel nous permette de remplacer ses «églises» par les «astres», le contexte l'exige. Ainsi, ça fait sept ans depuis cette soirée fatidique d'un certain décembre 1998. Ce soir-là, sur l'axe routier de Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, les anges gardiens de Messaoudi semblent être occupés par autre chose. La Providence, comme pressée on ne sait par quoi, l'a demandé et la destinée de Kamel, malgré elle, a consenti. L'ange de la mort s'engouffra furtivement dans la voiture que conduisait notre artiste et, silencieusement, elle lui coupa le souffle. Le véhicule dérapa, le temps s'arrêta tandis que les mélodies d'Echamaâ continuent de monter des fonds des abysses pour nous donner encore de l'espoir. D'ailleurs, Kamel Messaoudi était et demeure toujours cette bougie qui se consume pour éclairer les autres. La chanson continue de bercer la jeunesse rongée par tous les maux. Une jeunesse qui continue de se lanterner, de se morfondre dans la mélasse, toujours aux aguets peut-être, espère-t-on, que l'avenir ne sera que mieux. Sept ans après, le ministère de la Culture et l'Office national de la culture et de l'information (Onci) jettent un coup d'oeil sur le triste calendrier des hommages, le nom de Kamel Messaoudi y figure. Un vibrant hommage lui a été rendu, mercredi dernier, à la salle El Mougar. Ses amis, ses fans, ses admirateurs étaient là. Les uns, à l'instar de Mohamed Lamraoui, Nacereddine Galiz, Noreddine Alem, Sid-Ali Lekam et Hocine Driss, sont montés sur scène et ont repris le riche répertoire de notre défunt artiste. Les autres se sont contentés de rester sur leurs sièges et écouter tout en se rappelant les chansons du rossignol. Ainsi, Echamaâ (la bougie), Ah ya dzaïr, Eddenya (la vie) et d'autres chansons encore étaient sur les lèvres de tous les présents. Sur scène, la guitare de Kamel Messaoudi, orpheline de son maître, est sur son «trône» entourée de bougies. Elle qui l'a accompagné, pareille à une âme soeur, dans son périple artistique, se retrouve privée de son amant. Depuis sept ans maintenant qu'elle repose, dans son coin, à rêver, ou plutôt à rêvasser de toutes ces heures, de toutes ces nuits passées... Ô, ces temps perdus, aura-t-on un jour l'audace de partir à leur recherche? Pour ce faire, on a besoin de chercheurs. Néanmoins, des voix montent et en disent le contraire: «Ce n'est pas de chercheurs dont on a besoin mais de trouveurs» et les trouveurs ne courent pas les rues. Entre trois tons, la valse du temps poursuit son bonhomme de chemin, sans se soucier de ceux qui courent après l'impossible. Cette guitare se rappelle avec chagrin des premiers moments. La rencontre a eu lieu en 1974, Kamel Messaoudi, tout adolescent qu'il était, faisait alors l'école buissonnière, aimait le football et se passionnait pour le chaâbi. Et c'est ce dernier chemin qu'il a suivi, tout comme son frère aîné. Il monte un groupe chaâbi. Sa voix posée et pathétique le fera vite remarquer, d´abord par les gars du quartier, ses premiers admirateurs. «A la tête d´une nouvelle formation, il anime en 1978, fêtes de mariage et de circoncision et son nom circule avec de plus en plus d´insistance. II lui faudra toutefois attendre 1985 pour tenter un essai discographique qui ne sortira jamais car le producteur décréta la mort du chaâbi face à la déferlante du raï. Commercialisé sous forme de cassette en 1990, il n´obtient aucun succès». Ainsi fut la vie de celui qui a su se frayer un chemin parmi les grands du chaâbi. La postérité retiendra son nom. Et ce n'est pas fortuitement qu'on dit: «Les hommes meurent et les écrits restent», le cas est le même pour la chanson.