Synthèse de Sihem Ammour Tapis rouge, smoking, robes de soirée et crépitements de flashs sont les incontournables ingrédients qui ont marqué l'ouverture de la 62ème édition du Festival de Cannes, mercredi dernier, dont la phrase magique a été prononcée par Charles Aznavour et la comédienne Hafsia Herzi. La cérémonie, qui se déroule dans le grand théâtre Lumière du palais des Festivals, a été précédée de la traditionnelle montée des marches du gotha du 7ème art présent à la Croisette. Auparavant, la présidente du jury du festival, l'actrice française Isabelle Huppert, a rendu hommage aux cinéastes. Cette 62ème édition se distingue par le fait que, pour la première fois dans la longue histoire du festival, l'ouverture à été marquée par la projection, hors compétition, de Là-haut, un film d'animation numérique en trois dimensions (3D) signé par les studios Disney-Pixar et produit par John Lasseter. Là-haut raconte l'histoire d'un grand-père, bourru et grincheux, éploré par la disparition de sa femme et harcelé par un promoteur immobilier désireux de raser sa maison. Attachant sa vieille bâtisse de bois à une myriade de ballons forains, il échappe au désespoir en s'élevant vers l'aventure dont le couple avait toujours rêvé. Aidé d'un jeune scout embarqué malgré lui, il apprendra peu à peu à se défaire du poids des regrets et de l'inaccompli pour s'ouvrir à une nouvelle vie. A la sortie de la projection, certaines festivalières avaient la larme à l'œil, autant émues par l'histoire pétrie d'humour et de tendresse que par les effets spéciaux. L'émotion était également présente, jeudi dernier, lors de l'ouverture officielle de la compétition avec la projection du long métrage Nuits d'ivresse printanière du réalisateur chinois Lou Ye. Ce dernier est interdit de tournage en Chine jusqu'en 2011 pour avoir présenté en compétition à Cannes 2006 sans l'aval des autorités Palais d'été qui évoquait la répression du Printemps de Pékin en 1989. Nuits d'ivresse printanière a été tourné clandestinement avec une petite caméra numérique, en deux mois, dans la ville de Nankin (est du pays). Le film aborde un sujet sulfureux et tabou en Chine, l'homosexualité masculine. Dans la section «Un certain regard», le réalisateur Bahman Ghobadi a aussi bravé l'interdiction de tourner et la censure iranienne pour présenter les Chats persans. L'action du film se déroule à Téhéran, où deux jeunes musiciens à peine sortis de prison, Ashkan et Negar, sont en quête d'un visa pour l'Europe. Ghobadi lève le voile sur l'extraordinaire bouillonnement culturel, totalement clandestin car vigoureusement réprimé, de la jeunesse iranienne. Les Chats persans a été coécrit par le réalisateur avec sa compagne, la journaliste irano-américaine Roxana Saberi. Cette dernière, libérée lundi dernier à Téhéran après avoir vu sa peine de huit ans de prison pour espionnage au profit des Etats-Unis réduite en appel à deux ans avec sursis, n'a pu se rendre à Cannes. En quête d'une seconde jeunesse, quarante années après sa première participation au prestigieux festival de la Croisette, Francis Ford Coppola a ouvert la Quinzaine des réalisateurs à Cannes avec la projection Tetro, un film intimiste qui relate une sombre histoire de famille tourné en Argentine. Le cinéaste du Parrain, deux fois Palme d'or, présente en hors compétition Tetro tourné en Argentine presque exclusivement en noir et blanc à l'exception de quelques scènes en couleur qui évoquent d'une manière inhabituelle le passé, en racontant l'histoire d'une famille marquée par un père autocrate. Quant à l'Algérie, elle est présente à Cannes, plus précisément, au pavillon des Cinémas du monde, avec deux fictions : Sektou de Khaled Benaïssa et Ouardia avait deux enfants de la réalisatrice Djamila Sahraoui. Cette année, le pavillon, parrainé par Juliette Binoche et Abderrahmane Sissako, s'ouvre vers une création et une recherche de talents cinématographiques d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe centrale et orientale, du Proche et du Moyen-Orient.