Depuis la dernière bipartite qui avait regroupé le gouvernement et la Centrale syndicale, les deux partenaires n'ont pas repris langue, alors qu'il s'agissait de maintenir un contact régulier pour régler un certain nombre de dossiers liés à la situation du monde du travail. Interlocuteur incontournable de l'Etat, l'UGTA est plus que jamais confrontée à une situation des plus difficiles. Tant il est vrai que les effets de la relance économique ne se font pas sentir sur le terrain et sur le pouvoir d'achat des citoyens d'une manière générale et des travailleurs en particulier. Le dilemme pour la première organisation syndicale du pays réside dans la recherche d'une voie qui soit l'intermédiaire entre la satisfaction et l'amélioration des conditions de vie de ceux qu'elle défend matériellement et moralement, le maintien de l'emploi et la préservation, coûte que coûte, de l'appareil productif. C'est-à-dire le tissu industriel. Ce, d'autant que ses bases de négociations salariales se sont rétrécies à cause du désengagement progressif de l'Etat et de la privatisation tous azimuts des entreprises. L'Etat a en quelque sorte retiré d'une main ce qu'il a donné de l'autre puisque les dernières augmentations ont eu peu d'effet sur la bourse du salarié compte tenu de l'augmentation des prix des produits agroalimentaires et de l'absence de régulation. Les négociations menées jusqu'à septembre dernier à l'occasion de bipartites et de tripartites, à travers lesquelles l'UGTA avait obtenu des acquis, sont battues en brèche par plusieurs éléments qui concourent à l'instabilité. Or il est reconnu par tous que l'UGTA constitue l'un des socles du maintien de la stabilité sociale. C'est d'ailleurs dans ce but que le pacte économique et social, revendiqué dès 1994 par la première centrale ouvrière, a été élaboré puis paraphé par la tripartite. Force est de constater que ce document, même s'il n'est pas parfait, n'est pas mis à exécution. Même la commission de suivi ne s'est jamais réunie pour établir des diagnostics ou des constats. Par ailleurs, le mécontentement des travailleurs va crescendo, notamment en raison de la non-mise à exécution des conventions de branches ou encore à cause du refus de certains SGP d'augmenter les salaires au moment où des entreprises enregistrent performances et bénéfices. En fait, ce sont des dossiers qui stagnent. Pourtant, il va sans dire que l'accumulation des problèmes risque d'avoir des conséquences dramatiques, et l'Algérie n'a pas besoin de cela. Dès lors, l'une des priorités du «nouveau» locataire du boulevard Dr Saadane sera de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux. Ce, d'autant que Ahmed Ouyahia est rompu aux interminables séances des tripartites et bipartites. Fin connaisseur des dossiers qui fâchent, le chef du gouvernement devra convaincre le syndicat, surtout, que des solutions seront trouvées et que les blocages observés ici et là seront levés. Ce n'est un secret pour personne que, depuis qu'il avait pris les rênes des affaires du pays en 1996, Ahmed Ouyahia a travaillé pour maintenir le dialogue entre le gouvernement, le patronat et l'UGTA, même si, de temps à autre, des clashes sont survenus en pleines négociations. Ahmed Ouyahia a également compris que son interlocuteur privilégié qu'est l'UGTA reste son principal vis-à-vis, le courant ne passant pas avec le ministre de l'Industrie. Car tout le monde a en mémoire la levée de boucliers et le coup de théâtre intervenus il y a cinq ans entre l'UGTA et Abdelhamid Temmar à l'occasion d'un séminaire sur la situation des entreprises. On se souvient que chacune des deux parties y était allée de ses chiffres et de ses arguments. Chacune des deux parties refusant de faire des concessions. D'où le «coup de gueule» du ministre de l'Industrie qui avait dû quitter la salle rose de l'Aurassi. Cela renseigne sur les dossiers ô combien chauds qui devront être remis sur le bureau du chef du gouvernement et auxquels il accordera tout l'intérêt qu'ils méritent. F. A.