Des députés, issus des élections législatives de mai 2007, ont pris beaucoup de temps pour livrer leur déclaration de patrimoine. Faisant abstraction de la loi qui leur fixe un délai précis d'un mois après leur investiture, ils ont temporisé un an entier avant de daigner enfin établir la précieuse liste de leurs biens. Les fameuses déclarations ont ensuite sommeillé quelque part deux années entières avant leur publication au Journal officiel de février 2010. anifestement, la procédure légale n'a pas été scrupuleusement respectée. En principe, ces «retardataires» devraient être pénalisés. Ils doivent payer cash tout ce temps pris dans l'élaboration de l'inventaire de leurs possessions personnelles et celles de leurs conjoints et descendants. Sous d'autres cieux, une telle méprise prive son auteur du quart ou du tiers de ses émoluments jusqu'à ce qu'il fournisse la preuve de l'accomplissement de cette formalité. En outre, on se pose la question si des organismes spécialisés avaient épluché ces documents à travers des enquêtes et des investigations sur le terrain pour authentifier leur contenu. Logiquement, on ne doit pas se suffire de la simple parole de ces parlementaires, mais les services du fisc et les organismes chargés de la lutte contre la corruption auraient pour mission de mener conséquemment un travail de vérification sur le terrain. Il est clair qu'une personnalité publique pourrait bien étoffer sa déclaration pour justifier ultérieurement des acquis douteux. Comme elle peut en amoindrir le volume pour échapper à une éventuelle imposition. Dans le cas où les enquêtes en question révèlent un quelconque défaut, des sanctions doivent être aussi fermement appliquées. Généralement, les textes juridiques prévoient dans ce cas de figure des poursuites pénales pour «faux et usage de faux». L'auteur d'une fausse déclaration encourt une peine de prison et risque conséquemment de perdre son statut. Dans la réalité algérienne d'aujourd'hui, peu d'intérêt est accordé à cette question. Si on parle ici de députés qui ont outrepassé les délais règlementaires dans la formulation de leur déclaration de patrimoine, d'autres membres de l'auguste assemblée n'y songent même pas. On pourrait presque dire autant des sénateurs, des ministres et des cadres supérieurs de la nation. Dans l'absolu, cette loi s'applique à tout responsable de la chose publique. Cela concerne évidemment toute personne élue ou nommée qui fait partie du corps législatif, du pouvoir exécutif et de la sphère juridique. Les fonctionnaires de haut rang dans la hiérarchie administrative et les agents publics qui occupent des postes sensibles comme dans les finances et les marchés publics sont théoriquement astreints à cette obligation. Faisant preuve d'éthique et d'intégrité morale, les leaders politiques et syndicaux, les animateurs associatifs, les responsables des organisations humanitaires et caritatives sont tenus de déclarer aussi leurs avoirs. En fin de mandat ou à leur départ du poste occupé (retraite, démission…), les personnels en question doivent aussi, dans un délai précis, actualiser cette déclaration de patrimoine dans un esprit de probité et de transparence. La déclaration de patrimoine sert justement à moraliser la vie publique et politique. Elle constitue une condition essentielle pour l'exercice de la démocratie, et un comportement salubre de tous les acteurs de la société pour la consécration de la transparence. Mais comme il ne suffit pas de mettre en place l'arsenal juridique adéquat, il faut nécessairement veiller à son application stricte dans la réalité pour transformer réellement les mœurs et approfondir les bonnes pratiques démocratiques. Dire maintenant que les députés qui ont publié la liste «supposée» de leurs biens ont fait preuve de «bonne gouvernance» ce serait aller trop vite en besogne. Le citoyen, qui vit au quotidien les abus d'autorité, les passe-droits et la mauvaise gestion de la chose publique, voit partout des fortunes mal acquises. L'arsenal juridique mis en place est plein de bonnes choses. C'est son application qui laisse à désirer. K. A.