De notre correspondant à Constantine A. Lemili L'ITGC Baaraouïa accueille pour deux jours une rencontre régionale sur le blé avec comme toile de fond évidemment la prochaine campagne agricole considérée, par la majorité des acteurs qui y sont impliqués, comme exceptionnelle. Un chiffre nous sera d'ailleurs communiqué en marge des conférences par un sous-directeur de la DSA : «1 250 000 quintaux. Autrement dit légèrement plus que l'année écoulée… déjà exceptionnelle. Nous pouvons même vous annoncer qu'il n'est pas exclu que nous dépassions largement ce chiffre mais nous préférons, compte tenu des impondérables, rester dans ceux [chiffres] que nous maîtrisons d'ores et déjà». Etrangement, les propos de notre interlocuteur sont superbement contredits par des agriculteurs anonymes, mais également d'autres connus pour la dimension de leurs terres, les techniques modernes auxquelles ils recourent et le professionnalisme de leur personnel […au moins l'un d'eux a recruté un spécialiste européen]. Abdelatif Benhamadi, propriétaire terrien de grande importance, balaiera du revers de la main les déclarations triomphalistes des cadres du secteur : «…Année exceptionnelle… paroles, paroles, paroles, tout cela n'est pas vrai. Moi je fais une année exceptionnelle effectivement parce que je travaille et je mets tous les moyens pour ça.» Autre version chez Mme B. W. : «J'ai 100 hectares exploités cette année. 70 en blé dur et 30 en blé tendre. Une catastrophe, je ne vous le dirai jamais assez… la rouille jaune a pratiquement bouffé les 30 hectares de blé tendre et je ne suis pas la seule dans ce cas. Tout ce que vous diront les responsables, c'est du préfabriqué pour la consommation publique… de l'intox en plus simple. D'ailleurs, un cadre de la DSA va vous confirmer ce que je vous dis.» Effectivement, D. B., ledit cadre, manifestera le plus grand étonnement à notre question sur l'année exceptionnelle que sera la saison agricole 2009 : «Jamais de la vie, nous dépasserons sans doute la production de l'année écoulée, mais cela ne veut rien dire… Il faudrait surtout se poser des questions sur la possibilité de réaliser des productions hors du commun et de ne pas y parvenir. Là, il y a plusieurs facteurs qui expliquent cela et il nous faudra réserver un autre moment pour aller dans les détails.» Etonnantes déclarations quand même de part et d'autre, alors qu'il y a à peine une dizaine de jours tout le monde exultait face à Rachid Benaïssa, le ministre de l'Agriculture, sans apporter à un quelconque moment une fausse note à la rencontre excepté quelques problèmes d'ordre technique comme la question de l'alimentation en carburant des moissonneuses-batteuses, de l'assurance des surfaces agricoles en cas de sinistres, de la traçabilité des semences, de la mauvaise qualité du matériel agricole… sans plus. M. Achouri, président de la Chambre d'agriculture essaiera de mettre d'accord tous nos précédents interlocuteurs en affirmant : «Je peux vous confirmer qu'il s'agira d'une année exceptionnelle. Maintenant, ceux qui jurent le contraire, ce sont ceux-là mêmes qui n'ont pas pris soin de leur sol, n'ont rien fait pour juguler les maladies cryptogamiques alors que la DSA et la chambre ont tout fait pour que leurs futures récoltes soient protégées. Cela dit, il s'agit en général de petites parcelles. Mieux, je vais encore vous étonner en portant à votre connaissance que 90% des terres qui fourniront cette campagne exceptionnelle appartiennent à 20% des agriculteurs. C'est vous dire que ceux qui s'amusent à vaticiner le contraire ne sont en réalité que des rabat-joie aigris par un échec, leur échec, dont ils sont les premiers responsables… car Dieu m'est témoin que l'Etat a été présent de bout en bout pour faire en sorte que la campagne 2009 reste dans l'histoire et ouvre de nouvelles perspectives pour les générations à venir.» Lucide, le président de la Chambre d'agriculture précisera que «la vision qu'avait nos aïeux de la terre est aujourd'hui anachronique. Nos pères et leurs pères travaillaient la terre une année et la laissait se reposer une autre. Sans enlever en rien à leur sagesse, il faut admettre que c'est, passez-nous l'expression, une forme d'ignorance. Un sol ne reste jamais en jachère, il peut être autrement exploité et reconverti pendant la période où il est censé mis au repos. Et c'est ce que nous évertuons à expliquer à nos collègues et nous luttons pour y parvenir qui se fait ailleurs parce que c'est un choix rationnel et un impératif à atteindre.» Soulignons enfin que les agriculteurs présents en force ont rencontré quelques difficultés dès lors que certains d'entre eux, venant de différentes wilayas, ont eu à exposer leurs difficultés quant à l'acquisition d'équipements nationaux ou étrangers de labour, voire de pièces de rechange. Cela pour dire qu'entre la théorie et la réalité du terrain, l'écart n'est tout de même pas virtuel.