Photo : Riad Par Wafia Sifouane Ce n'est que lors de la deuxième soirée après le lancement officiel de l'Edition El Qods, nom donné au 4ème Festival national du théâtre professionnel (FNTP), que la compétition s'est fait sentir avec Mezghena 95, la dernière production du théâtre régional Azzedine Medjoubi d'Annaba. La pièce adaptée du roman la Gardienne des ombres de Wassiny Laaredj s'annonce, en effet, comme une rude concurrente. Lever du rideau sur une scène tout de blanc vêtue. Des voiles transparents jonchent le sol. En chantonnant le refrain d'un titre d'El Badji, une jeune femme en tenue traditionnelle algéroise passe, portant une longue traîne sur laquelle H'sissen, le journaliste, est allongé. Cette dame est Mezghena, Alger de nos jours, et H'sissen y est très attaché. Deuxième tableau, H'sissen reçoit la visite de Vasquez, journaliste espagnol venu sur les pas de son ancêtre Cervantès. Il pose plein de questions sur l'Algérie. Il n'arrive pas à trouver un sens à ce qu'il observe. Visitant ensemble la décharge d'Oued Smar, Vasquez est offusqué par cette décharge où se retrouvent des objets d'antiquités à la valeur inestimable. Changement de décor, deux grands responsables discutent de leur sort. H'sissen a déclaré la guerre à tout ce qui cloche dans son monde. Il a rédigé des articles sur des sujets sensibles et a dévoilé plusieurs magouilles et dérives du système. Aïcha, sa bien-aimée, orpheline et victime du terrorisme, l'aide en distribuant ses articles un peu partout dans la capitale. Le couple est décidé à éveiller les consciences en rapportant toutes les vérités même si ça doit leur coûter la vie. Les deux responsables font l'état des lieux. Ils ont commis beaucoup de crimes. Ils ont détourné de l'argent mais ils ont surtout nui au peuple. Et H'sissen et son ami étranger sont un danger imminent. Il ne faut surtout pas dévoiler à Vasquez ce côté obscur de la ville. Mais Hssissen, en homme honnête qui ne craint rien, emmène son invité à la décharge pour lui indiquer l'endroit où son ancêtre repose ainsi que pleins d'objets de la même valeur historique. Là, Chafik, un anthropologue qui garde la décharge, intervient. Il propose à l'Espagnol de lui racheter des reliques. Vasquez perd la tête et commence à délirer. Les autorités interviennent et embarquent les deux journalistes. Vasquez se réveille dans un centre culturel sur la voix de Maya qui le rappelle à la raison. Quant à H'sissen, qui a trop dit et trop écrit, il est arrêté. Et d'un geste précis, son bourreau lui coupe la langue. Une langue jugée trop pendue et bavarde. Mais H'sissen continue à rédiger ses articles virulents, encouragé par Mezghena.La scénographie a joué un rôle important dans la pièce, avec des décors pertinents et très sémiologiques. Avec le blanc qui a envahi les planches et les voiles accrochés ici et là, la scénographie s'est réduite à quelques objets tels qu'une échelle, une brouette, selon les tableaux, et elle n'a guère touché au sens de la pièce. Le texte adapté par Hamid Kouri d'après le roman de Wassiny Laaredj relate tout simplement l'Algérie des années noires, un pays en plein désarroi en ces temps d'incertitudes. Entre terrorisme, magouilles, complots, dérives et détournements, le pays ne s'annonçait pas accueillant pour le descendant de Cervantès. On retrouve dans le rôle de H'sissen le comédien Toufik Mimich, dans ceux des responsables, Kamel Kerbouz et Abdelhak Ben Marouf, Amina Bel Abed dans le rôle d'Aïcha et Mezghenna. Quant à Vasquez, il est interprété par Bachir Slatnia. Le metteur en scène Yahia Ben Amari a indiqué que cette pièce est un hommage à l'Algérie, terre martyre. La particularité de cette longue pièce de 100 minutes est son inclinaison vers les problématiques actuelles, une tentative de relater le passé, de revisiter une décennie noire avec une touche d'humour et d'ironie. S'agissant du festival, on relèvera quelques lacunes en matière d'organisation. Les participants n'arrivent toujours pas à avoir un programme. Mais il y aussi ces conférences qui changent de date à leur guise.