De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani L'investissement touristique à Annaba n'est pas à la hauteur des ambitions d'une ville qui prétend vouloir se hisser dans le peloton de tête des villes méditerranéennes où les visiteurs se comptent par millions. En effet, la direction sur laquelle repose ce secteur stratégique générateur d'emplois et source de devises est elle-même bien mal lotie ; elle se résume à 2 petits bureaux exigus où s'entassent quelques fonctionnaires qui se pressent dans cet espace réduit, une sorte de cagibi qui ne peut en aucun cas refléter l'image d'une administration responsable du développement de ce secteur, lui-même en difficulté. Les quelques rares investissements à avoir abouti et vu le jour se limitent à la construction de deux nouveaux hôtels grand standing, l'un en plein centre-ville, l'hôtel le Majestic, et l'autre en bord de mer surplombant la grande plage Refes Zehouane. Ce sont pratiquement les seuls investissements qui ont apporté une bouffée d'oxygène à la ville qui souffre d'un déficit en infrastructures hôtelières et de loisirs. Les autres hôtels, mis à part le Seybouse International et le Rym El Djamil, n'ont, à vrai dire, pas droit de cité au vu de la qualité des services et leur état de délabrement. Les quelques investisseurs intéressés par le secteur sont très vite découragés par les nombreux documents à produire, les lenteurs administratives et la réticence des banques à financer des projets qu'elles jugent trop risqués malgré les garanties offertes. Les éléments qui posent problème en général et se dressent comme des écueils infranchissables, ce sont, d'une part, l'indisponibilité de terrains pouvant servir d'assiette à ces projets, d'autre part, les commodités telles que l'électricité, le gaz et l'eau qui font cruellement défaut dans des zones dites touristiques et censées en être dotées. Le cas de Chetaïbi, station balnéaire située à une soixantaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya illustre bien cette situation. La zone d'expansion touristique (ZET) de cette région, qui recèle, selon l'avis des spécialistes, l'une des plus belles baies au monde, est à l'abandon et aucun investissement digne de ce nom n'y a été réalisé faute, justement, de disponibilité de ces commodités, un réseau électrique capricieux qui, au moindre coup de vent ne répond plus et l'absence de gaz naturel, ce qui décourage les plus fougueux des investisseurs. Pourtant, ce petit coin de paradis pourrait être le moteur de développement de toute la zone. Bref, à part ce que la nature a bien voulu offrir dans toute sa splendeur, rien n'a été fait par l'homme, qui, bien au contraire, s'évertue à la polluer et à la détruire au lieu de la préserver et de la protéger. Les quatre grands projets d'aménagement concernant les ZET du cap de Garde, de Oued Bagrat, Chetaibi et Sidi Salem attendent toujours et sont mis aux oubliettes. Au départ, il y a bien eu près de 190 investisseurs qui comptaient réaliser des projets d'hôtels, de centres d'affaires, de restaurants gastronomiques et autres infrastructures mais, après étude, 35 seulement ont été retenus et avaient été transmis à l'Agence nationale de développement du tourisme (ANDT) pour approbation. L'engouement pour le secteur avait été, à ce moment-là, tel que des dizaines de dossiers ont été déposés mais au fil des jours et au vu des tracasseries administratives et des lenteurs bureaucratiques, la plupart des investiteurs avaient abandonné leur projet, préférant aller ailleurs ou se tourner vers d'autres créneaux jugés plus lucratifs. Le seul gros investissement qui aurait pu changer le paysage de la wilaya de Annaba et la doter de nouvelles structures à même de la catapulter au rang des autres grandes villes touristiques du pays et de l'étranger est celui du groupe émirati SEDAR. L'enthousiasme beat des autorités a conduit au fait que la place du 19 Juin, située en plein centre-ville et à quelques centaines de mètres de l'hôtel Seybouse International, avait été cédée au groupe en un temps record. Les occupants des lieux, des trabendistes, avaient été délogés manu militari pour permettre la réalisation d'un grand centre d'affaires qui devait, plus tard, créer des centaines d'emplois directs et indirects. Le groupe émirati, qui compte investir 500 millions de dollars pour la réalisation dudit centre et un hôtel grand standing sur la baie de Sidi Salem, n'a pas encore entamé les travaux de réalisation de ces projets, qui traînent depuis maintenant plus de 3 ans. Ledit «investissement» s'est limité à ce jour à dresser une clôture frappée du sigle du groupe avec à l'intérieur 2 gardiens qui se relaient. La raison invoquée à ce retard relève du fait que le groupe veut qu'un passage soit ouvert à partir du boulevard du 1er Novembre de façon à permettre aux automobilistes de rejoindre directement le futur centre d'affaires. Le problème rencontré pour l'ouverture dudit passage se rapporte à la démolition d'une bibliothèque mitoyenne, chose à laquelle se sont opposés farouchement certains élus de l'APC au cours d'une session de l'assemblée. Deux camps distincts s'étaient affrontés avec force arguments pour essayer de se convaincre mutuellement mais cela n'avait pas abouti. Une commission avait été désignée pour étudier la question d'autant que le groupe avait proposé d'indemniser la commune pour reconstruire une autre bibliothèque en d'autres lieux ou réserver des locaux dans le futur centre pour l'abriter. Depuis, plus rien, les choses traînent en longueur et les habitants attendent toujours cet hypothétique investissement. Récemment, le ministère du Tourisme a dépêché à Annaba deux responsables, MM. Bouchedjira, directeur central et Hamadou, directeur général du tourisme, pour expliquer les nouvelles dispositions censées relancer le secteur et faire adhérer le plus d'opérateurs à cette démarche. Une rencontre qui a regroupé à l'hôtel Seybouse voyagistes, restaurateurs, hôteliers tours-operateurs, thermalistes, offices du tourisme et responsables de plate-formes d'accueil de 13 wilayas de l'Est s'est tenue durant toute une journée et visait l'application du plan qualité tourisme découlant du schéma directeur d'aménagement touristique (SDAT). Les présents avaient été invités à établir un partenariat entre l'Etat représenté par le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et du Tourisme et les opérateurs économiques du secteur. Le SDAT prévoit un plan qualité tourisme (PQT) auquel les adhérents doivent se conformer pour une mise à niveau qui fera plus tard l'objet d'un audit sur la base duquel un label sera décerné à ceux qui auront respecté les conditions édictées. Ce label leur permettra de figurer sur la liste des guides touristiques mondiaux et ils pourront ainsi profiter des flux de touristes qui les choisiront parmi d'autres. Cette nouvelle approche pourra peut-être motiver un peu plus les opérateurs du secteur et remettre en selle un secteur moribond qui, s'il est correctement pris en charge, peut être l'un des facteurs de développement les plus performants.