De notre correspondant à Constantine A. Lemili Parler de changement climatique à Constantine consisterait à enfoncer des portes ouvertes, dans le sens que ce qui se passe à l'échelle mondiale agit en onde de choc à travers toute la planète. Toutefois, une spécificité effective à cette wilaya n'est pas à exclure depuis le remplissage du barrage de Beni Haroun. Ainsi est-il beaucoup plus question de l'émergence d'un microclimat que d'une modification. Toutefois, cette spécificité pourrait être plus importante, en raison de l'implantation du barrage à hauteur de Grarem, dans la wilaya de Mila et tout ce qui est à sa périphérie. Depuis trois ans, Monsieur Tout-le-Monde a interprété d'autorité l'origine d'une humidité inhabituelle en l'imputant au remplissage graduel du barrage qui n'est pourtant à peine qui à moins de la moitié de sa contenance théorique, soit un milliard de mètres cubes. La moiteur de l'air est incontestable et peut être plus ou moins ressentie selon les personnes, celles plutôt fragiles et sujettes à une insuffisance respiratoire sont, à défaut d'être déjà éligibles en premier à certains désagréments, les premières à en ressentir la réalité. Sur ce sujet, précisément, les avis divergent et très souvent les argument tiennent la route selon que les uns ou les autres en parlent ès qualités. Les personnes que nous avons approchées pour ce faire le font par ailleurs. M. Ayache est ingénieur météorologue à la station régionale de Constantine. Celui-ci, sans évacuer du revers de la main cette certitude ancrée chez les profanes, estime «peu probable, du moins à l'échelle du temps, dans ce cas de figure très réduite parce que le barrage n'est pas totalement rempli depuis ses trois années, de déterminer une quelconque influence hygrométrique sur l'environnement. En pareil cas, il faudrait au minimum une cinquantaine d'années d'observation sur tous les plans pour émettre des conclusions fiables. Les premiers indicateurs pourraient apparaître sans doute bien avant mais, pour la plausibilité du constat, il faudrait, à notre sens, au minimum un demi-siècle et, autant vous préciser que, pour arriver à des conclusions du genre dans d'autres pays il a même fallu aller jusqu'à cent cinquante ans». M. Benbouzid, responsable du département biodiversité à la direction de wilaya de l'environnement considère en ce qui le concerne «une incontestable retombée hygrométrique sur la région depuis le remplissage graduel du barrage de Beni Haroun. Encore heureux que le milliard de mètres cubes n'ait pas été atteint et ne le sera certainement pas d'après les informations selon lesquelles l'ouvrage pourrait ne pas résister à la charge en raison de la nature des sols. Aujourd'hui, il est à environ 400 millions de mètres cubes, mais personnellement j'ai eu à constater en plein mois d'août une épaisse pellicule d'eau sur mon véhicule due à l'humidité exhalée par les eaux du barrage. Cela dit, pour en revenir à une probable hygrométrie et une probable influence sur l'environnement, nul n'exclut l'émergence de maladies cryptogamiques qui remettraient en cause certaines cultures comme celle de la pomme de terre ou des aubergines». Quant aux incidences, sinon les conséquences de modifications climatiques d'une manière générale, les deux cadres concernés ont jugé plus opportun de nous orienter vers des spécialistes de la médecine. Dans cet ordre d'idées, le Pr Zougheileche, responsable de l'Observatoire régional de la santé soulignera que «toutes les saisons ont leur lot de pathologies, l'été est évidemment le plus propice sur le plan du nombre et de la gravité de ces pathologies». En plus clair, l'organisme humain serait moins résistant à des agressions dues aussi bien aux éléments naturels à commencer par le soleil et «l'émergence du cancer de la peau qui est en phase exponentielle chez nous», précisera le professeur, mais aussi les gros risques dont pourraient être victimes les personnes sujettes à problèmes cardio-vasculaires. M. Ayache, le cadre de l'ONM, n'avait d'ailleurs pas manqué de rappeler que «la particularité des modifications climatologiques enregistrées ces dernières années est leur agressivité ponctuelle. Autrement dit, il est facile de passer d'une température normale à un très haut pic de chaleur et la réciproque est vraie en ce sens qu'au cours d'une autre saison, il est quasi normal de passer d'un doux climat à un froid rigoureux». En conclusion, pourrait-il être affirmé que les temps ont vraiment changé et que les saisons actuelles ne ressemblent plus aux saisons de nos parents ? M. Ayache ne partage pas cette appréciation et considère que «les saisons ont effectivement évolué en ce sens que cinquante plus tôt la température était moins élevée qu'aujourd'hui à environ 1,5 degré celsius. Mais dans le fond, les spécialistes estiment que c'est une évolution normale compte tenu de la modification des conditions de vie des populations, le développement tous azimuts de l'industrie, la multiplication des CFC, l'augmentation des gaz à effet de serre, etc.». Et notre interlocuteur de regretter «l'absence du mouvement associatif à relever le défi le plus sérieux auquel est confronté le pays, celui de préserver la qualité de vie des populations. Que coûte-t-il pourtant d'organiser, de temps à autre, des opérations de reboisement, de condamner les coupes sauvages faites dans les forêts par des braconniers de la nature ? Comme il appartient aux pouvoirs publics de veiller à la surveillance des lits d'oued, leur correction et leur calibrage».