De notre correspondant à Constantine A. Lemili «Ça plane pour eux», sommes-nous tenus de dire pour la bande de jeunes qui animent le ciné-club Constantine. Qu'ils arrivent déjà à maintenir la cadence et assurer tous les quinze jours la projection d'un film pour leur public relève de l'exploit, obtenu qui plus est dans une ville qui a pris la triste habitude de ronronner par rapport à l'activité réelle, matérielle et physique dans le domaine de la culture et de plastronner, du moins l'ensemble de ses acteurs officiels, dès qu'il s'agit de jouer les théoriciens rompus à aligner des chiffres d'autant plus maquillés, manier la langue de bois et surtout et c'est, sans nul doute, ce qui est le plus grave, faire obstruction aux autres initiatives. Le nouveau directeur de wilaya de la culture, T. Foughali -il n'est jamais exagéré de souligner sa volonté, du moins celle qu'il affiche et assume en public- s'est engagé à redonner à la ville de Benbadis l'aura intellectuelle et culturelle qui en faisait l'empreinte. Le ciné-club de Constantine auquel est associé… ou inversement l'association 100% culture a aujourd'hui son public, «nos habitués», disent à l'unisson Manel, Khaoula, Chahinez et Amir surpris en pleine séance de travail consistant à préparer «les Journées du film francophone» dont ils ont littéralement arraché l'organisation. Comme nous le disions auparavant… une performance d'autant plus que cette manifestation a été arrachée dans une ville où, excusez du peu, existe quand même un Centre culturel français, avec ses moyens financiers, matériels, son armada de responsables, d'animateurs… «Les journées» auront lieu à partir du 3 avril pour prendre fin le 10 avril. Au public sera proposé un programme varié dont la caractéristique réside dans l'éclectisme des genres, des thèmes et des origines des œuvres qui seront présentées. «Onze œuvres cinématographiques», annonce le communiqué de presse, «onze œuvres regroupant cinéma d'auteur, films documentaires et films pour enfants». Une manifestation qu'abritera, une semaine durant, la maison des jeunes Ahmed Saadi de la cité Filali et qui vraisemblablement va se tenir grâce au partenariat des plus effectifs des ambassades du Cameroun, du Canada, de France, de Grèce, du Maroc, de Roumanie, du Sénégal, de Serbie, de Suisse, de Tunisie et de la délégation Wallonie-Bruxelles. Bien évidemment, les lecteurs auront, d'eux-mêmes, remarqué un grand absent. Il suffit de suivre notre éternellement naïf regard pour comprendre de qui il peut s'agir. Les thèmes proposés ne pourront qu'être accrocheurs comme il était précédemment souligné en raison de leur éclectisme. Faire défiler des images, des dialogues, un commentaire en voix off pour parler du slam, de la tragédie qui endeuille Haïti, les souffrances des populations rwandaises au cours des épurations ethniques de 1994, des derniers jours du régime du Conducator en Roumanie, de l'inquiétude autour du réchauffement de la planète, du renouveau démocratique en Afghanistan, etc. Les animateurs du ciné-club se sont dit «parés» pour une semaine durant laquelle le quotidien des Constantinois va, quand même, être bouleversé en ce sens qu'il leur sera proposé quelque chose qui sort du conformisme habituel, lequel consistait à les «anesthésier» de musique andalouse, de malouf et d'autres transes aïssaouies. Les jeunes animateurs que nous avons rencontrés l'après-midi de samedi dernier prennent plus que sur leur temps pour que le septième art ne meure pas à Constantine, une ville qui a eu le privilège, il y a plus d'une trentaine d'années et grâce à une autre bande de jeunes de l'époque, de créer non pas une salle de répertoire de la cinémathèque mais deux… An-Nasr et Cirta et surtout de parvenir à champignonner les salles du genre à travers tout l'est du pays. Et c'est pour cela qu'il faut croire en Manel, Khaoula, Chahinez, Amir et les autres.