Photo : Sahel Par Hasna Yacoub Tout commence au lendemain des élections locales de novembre 2007. Quinze personnes sont élues à l'Assemblée populaire communale de la Casbah avec une majorité absolue pour le parti du FLN qui a obtenu huit sièges. Le président de l'APC devait, selon l'article 48 du code communal, être désigné par ses pairs de la liste du FLN. Seulement, les huit élus de ce parti ne sont pas d'accord sur le nom du président. Divisé en deux groupes à nombre égal, le premier groupe a choisi la continuité en votant pour un deuxième mandat pour M. Zetaïli, tête de liste du FLN, et le deuxième groupe a voté contre ce choix. Une réunion en présence du wali délégué de Bab El Oued s'est alors tenue dans le but de trouver une solution au blocage. Mais, selon le P-V de cette rencontre, qui s'est tenue en date du 10 décembre 2007, le wali délégué a proposé le vote en deux tours, dans une première phase et, dans le cas d'une égalité des voix, de recourir à la désignation du membre le plus âgé en se référant à l'article 25 de la loi n° 90-09 du 7 avril 1990 relative à la wilaya. La proposition n'a été acceptée que par le groupe pro-Zetaïli, amenant le deuxième groupe à quitter la salle de réunion. Il n'empêche que l'opération de vote s'est poursuivie et M. Zetaïli a été élu pour un deuxième mandat à la tête de la commune de la Casbah. Ne se déclarant pas vaincus, les quatre autres élus du FLN contestent dans une correspondance au wali la procédure d'installation du président de l'assemblée «qui va à l'encontre de la décision du ministre de l'Intérieur dans laquelle il donne instruction d'abandonner le recours à la règle de la désignation de l'élu le plus âgé». Une deuxième lettre de recours a été adressée au ministère de l'Intérieur. Les quatre élus du FLN seront rejoints par cinq autres élus (trois du FNA et deux du RND) et décident, ensemble, d'établir, le 11 février 2008, un P-V d'installation pour le deuxième de la liste FLN, M. Alliche Nacer, P-V qui sera envoyé à la wilaya. Deux correspondances de rappel sont encore envoyées à la tutelle avant que ce groupe de contestataires ne décide, en date du 27 septembre 2008, de retirer sa confiance au président de l'APC de la Casbah. Un retrait qui sera paraphé par les 2/3 des élus après qu'un sixième élu du Parti des travailleurs (PT) s'est décidé à rejoindre le groupe qui atteint, de ce fait, le nombre de dix. Ce retrait de confiance a force de loi en référence à l'article 55 du code communal. Le wali décide alors de provoquer une session extraordinaire de l'Assemblée communale le 11 octobre 2008 qui sera présidée par le wali délégué de Bab El Oued en présence du directeur de l'administration locale (DAL). Lors des débats, le DAL a expliqué la non-conformité du retrait de confiance «vu que l'assemblée n'a jamais tenu de délibérations». Les élus contestataires ont maintenu leur position et ont remis le document relatif au retrait de confiance ainsi que le P-V d'installation de M. Alliche au wali délégué et au DAL. Ce dernier refusera de le prendre. Depuis, la situation n'a pas évolué et le maire gère les affaires courantes de la commune à défaut d'avoir une instance exécutive et des commissions permanentes. La tutelle ne semble pas importunée par cette situation de blocage puisque, pour adopter le budget de la commune dans le but notamment de payer les employés, le recours à la wilaya a permis de dégeler la situation. Pourtant, le recours à l'article 34 du code de la commune aurait pu le faire. Alors que celle-ci reste bloquée au niveau de la commune de la Casbah, les élus protestataires contre l'installation de M. Zetaïli à la tête de la commune, ont, en plus du retrait de confiance, fait état de graves irrégularités enregistrées durant l'année 2002, - premier mandat de M. Zetaïli- dans la procédure de cession de deux terrains. Il s'agit de l'assiette sur laquelle a été érigé le projet de 530 logements du programme «APC-CNEP». Pour expliquer ces transgressions de loi, il faut revenir à 1988-1989, période du lancement du programme «APC-CNEP». Ce programme, dont le maître d'ouvrage est l'APC et dont le financement est assuré à 100% par la CNEP, prévoyait la réalisation de 10 281 logements au profit de la wilaya d'Alger. L'APC de la Casbah a bénéficié de trois projets à Baïnem, El Hamiz et Bab Ezzouar. Pour ce dernier projet, objet de controverses, 530 logements y étaient programmés. Pour cette réalisation, l'Etat a mis à la disposition de la commune deux parcelles de terrain. Une décision de réservation desdites parcelles (n°681 du 8 octobre 1989) au profit de l'APC de la Casbah a été établie. Treize ans après, en juillet 2002, il n'y avait que 110 logements réalisés et affectés, 359 millions de dinars déboursés par la CNEP, auxquels il y a lieu de rajouter 11 millions de dinars de situations impayées. A relever également qu'il y avait 22 millions de dinars de trop-perçu par les entreprises, représentant des avances versées aux entreprises et non encore restituées. La CNEP avait décidé de cesser de financer le projet en 1998. Après une visite de travail et d'inspection sur le terrain du président de la République et son instruction au wali d'Alger de l'époque de «trouver une solution» à ce chantier, il a été décidé de transférer le projet à l'EPLF. C'est à ce moment que les irrégularités, reprochées par les actuels élus, commencent à être enregistrées. En juillet 2002, quelques mois seulement avant la fin de son mandat, le maire de la Casbah de l'époque, M. Bouguerra, signe une convention entre sa commune et l'EPLF de Béjaïa. Selon les actuels élus protestataires de la commune, ladite convention de transfert du projet a été signée à la fin du mandat de M. Bouguerra alors que les prérogatives de ce dernier devaient se limiter à la préparation du renouvellement de l'assemblée. De plus, ladite convention ne porte «ni référence ni enregistrement au niveau de l'APC» et n'a fait l'objet d'«aucune délibération». A ce titre, elle n'est pas légale, comme ils l'expliquent encore. Si l'on précise que les parcelles de terrain étaient encore la propriété de l'Etat et que la ladite convention a été paraphée par le directeur du logement de la wilaya d'Alger et donc un représentant de la tutelle, il est envisageable de considérer que l'assemblée communale ne pouvait tenir une délibération sur un bien qui ne lui appartient pas et que seule la wilaya avait droit de changer de maître d'ouvrage pour le projet des 530 logements. Mais avec cette convention, la wilaya a également prévu d'affecter la propriété des parcelles de terrain au nouveau promoteur, à savoir l'EPLF Béjaïa puisque l'article 21 de ladite convention stipule que «la wilaya d'Alger s'engage à transférer le terrain d'assiette du projet au profit de l'EPLF Béjaïa. Ce transfert s'effectuera sous la forme d'un arrêté de cession. Ce qui induira au préalable, un transfert du terrain de l'APC à l'EPLF ou des domaines à l'EPLF […]». L'application de ladite convention, revue et corrigée par l'actuel président de la commune de la Casbah, lors de son premier mandat (2002-2007), s'est poursuivie. Le wali d'Alger a signé une décision de transfert des deux parcelles de terrain sur lesquelles est érigé le projet 530 logements au bénéfice de la commune de la Casbah contre le paiement (selon l'article 2 de cette décision) de la somme de 3 959 000 DA à l'inspection des domaines de Dar El Beïda. Cette décision a été signée le 9 février 2003 et publiée en date du 1er juillet 2003. Le paiement des 3 959 000 DA a été effectué en date du 3 mai 2003 à l'inspection des domaines sous le numéro 457 902 par un chèque de l'EPLF Béjaïa, libellé au nom de l'APC. En fait, cet organisme, représenté en la personne de son directeur général, a remis un chèque du montant exigé par la wilaya, libellé au nom de l'APC, à un notaire, en date du 19 février 2003. Ce notaire a eu à établir, le 20/04/2003, un acte de vente entre l'APC de la Casbah et l'EPLF Béjaïa, respectivement représentées par le maire et le directeur général. L'acte de vente n'a été publié, certes, qu'en date du 1er juillet 2003, à la même date de publication de la décision de wilaya du transfert des deux parcelles de terrain à l'APC. Il reste cependant que le président de la commune de la Casbah a établi un acte de vente au nom de l'APC sans procéder à une délibération comme le prévoit l'article 60 du code communal et cela si l'on considère que les deux parcelles de terrain sont entrées dans les biens de la commune le jour de la signature de l'acte de transfert. Et même si l'on considère, comme s'en est défendu M. Zetaïli, que ces parcelles étaient encore un bien de l'Etat – en considérant que l'acte administratif de transfert, signé le 9 février 2003, ne produit ses droits qu'à partir de la date de sa publication- il est alors à se demander si le maire pouvait vendre un bien qui n'appartient pas à sa commune. Pourquoi ce bien n'a-t-il pas été cédé par la wilaya directement à cet organisme public ? Sur quelle base a été établi l'acte de vente dans lequel il est spécifié que l'EPLF Béjaïa pouvait jouir de son bien à la date de la signature ? Si le notaire a considéré que l'objet de vente est une propriété de la commune, pourquoi n'a-t-il pas fait référence dans son acte à des visas (notamment le code communal) et exigé donc une délibération de l'assemblée communale ? Et si le notaire a considéré que ce bien est un bien de l'Etat, devait-il se contenter du maire de la Casbah comme seul représentant de l'Etat ? S'il est vrai que l'acte de vente du notaire ne produit ses droits pour les tiers qu'à sa date de publication, une question s'impose : pourquoi n'avoir pas attendu que le terrain soit propriété de la commune, donc la date du 1er juillet 2003, pour établir l'acte de vente ? La réponse semble, à première vue, évidente : si les parties de cette transaction ont considéré que la publication de l'acte de transfert induisait l'entrée dans les biens de la commune des deux parcelles de terrain, il était évident pour eux que la cession aurait nécessité une délibération de l'assemblée. Celle-ci aurait-elle pu bloquer cette transaction malgré l'existence d'une convention antérieure ? Surtout si l'on cite l'article 106 du code communal qui stipule que «la commune a compétence en matière d'habitat pour organiser la concertation, animer et créer les conditions pour favoriser la promotion immobilière publique privée. A cet effet, elle […] initie ou participe à la promotion de programmes d'habitat». Donc, la raison de cette opération paraît incompréhensible. Autre question qui s'impose : l'APC de la Casbah ne disposant*elle pas de la somme de 400 millions de centimes pour faire une entorse à une décision de sa tutelle ? En intégrant ces parcelles dans son domaine privé, elle aurait pu faire appel à l'AGERFA (Agence locale de gestion et de régulation foncières urbaines) pour céder son bien comme la loi le stipule : «la gestion du portefeuille foncier des collectivités locales est confiée aux organismes de gestion et de régulation foncière distincts et autonomes, existants ou à créer […].» Surtout que la commune a bel et bien cédé les parcelles de terrain à un organisme public ! L'inspection des domaines avait-elle le droit d'accepter un chèque de l'EPLF, même libellé au nom de l'APC de la Casbah, pour régulariser l'acte administratif de transfert ? Si l'inspecteur des domaines est chargé de recouvrer, en premier lieu, l'argent de l'Etat, la conservation foncière pouvait-elle, par la suite, régulariser cette opération ? Selon d'anciens cadres des domaines, l'opération en question n'est pas régulière : «Il n'est pas régulier d'établir un livret foncier dans lequel il est spécifié qu'un acte de vente a été établi antérieurement de la publication de la décision de transfert.» Selon d'autres, «la situation est compliquée mais peut être régularisée». Enfin, pour quelle raison a-t-il été fait recours à un acte de vente alors qu'une convention, établie entre les deux parties, spécifiait les droits et obligations de chaque partie. Selon les élus contestataires de l'installation de M. Zetaïli à la tête de la mairie, un des objectifs de toute cette opération irrégulière de cession du projet des 530 logements réside dans l'établissement des listes des bénéficiaires. Ces listes, déjà établies en 1989, devaient être revues en 2004, une quinzaine d'années après le lancement du projet. Certains bénéficiaires étaient peut-être décédés, d'autres ont acquis un logement ou ont quitté la wilaya. «Le maire a établi d'une manière unilatérale les listes des bénéficiaires sans passer par la commission», ont affirmé les élus contestataires, soutenant que des «irrégularités, des passe-droits et le clientélisme ont caractérisé le choix des bénéficiaires». Ce qui étonne M. Zetaïli qui soutient que«onze élus ont bénéficié de ce projet». H. Y Que pensent les notaires de l'acte de vente ? Questionnés sur la régularité de l'établissement d'un acte de vente sur la base d'une décision de transfert non encore publiée, plusieurs notaires ont soutenu qu'«il était préférable d'attendre la publication de la décision avant l'établissement de l'acte de vente». Dans le cas échéant, le notaire ayant établi cet acte de vente aurait impérativement dû faire référence dans cet acte au code communal en vigueur à l'époque (l'acte de vente doit contenir des visas) et exigé une copie de la délibération de l'assemblée communale sur la décision de céder les parcelles de terrain à l'EPLF Béjaïa puisqu'il est spécifié dans l'acte de vente établi que «le transfert de la propriété prend effet à compter du jour de l'établissement de cet acte». Autrement dit, l'EPLF Béjaïa pouvait jouir, selon cet acte de vente, des parcelles de terrain, en date du 20 avril 2003 alors que ces parcelles n'ont intégré définitivement les biens de la commune qu'en date du 1er juillet 2003. Du 9 février 2003 au 1er juillet 2003, les parcelles de terrain étaient certes transférées à l'APC mais une annulation ou une contestation de cette décision pouvait à tout moment intervenir. La publicité d'un acte produit des droits vis-à-vis des tiers. Ces derniers ont tenu à rappeler qu'un notaire est un officier public, chargé d'une mission d'intérêt public. Entre autres missions, il est tenu d'établir les actes authentiques adaptés à la situation et répondant au but recherché en fonction des législations et règlementations applicables. Des notaires ont également affirmé que l'APC de la Casbah n'avait pas besoin de recourir à un acte de vente et que la loi 90-25 du 18 novembre 1990, portant loi d'orientation foncière, prévoit dans ce cas le recours à l'Agence locale de gestion et de régulation foncières urbaines dont les missions sont clairement spécifiées dans le décret exécutif n°90-405 du 22 décembre 1990 fixant les règles de création et d'organisation des agences locales de gestion et de régulation foncières urbaines. H. Y