Il n'est pas très aisé d'évaluer le décalage entre le football africain des années soixante et, même partiellement, des années soixante-dix et celui d'aujourd'hui. La différence est tout simplement énorme et pour ceux qui avaient déjà des atomes crochus avec le football, il n'existe pas meilleur indicateur de la déliquescence qui prévalait sur les terrains des nations d'Afrique noire que l'arbitrage d'un certain major Lamptey lors de Zaïre-Maroc (3-0), ultime rencontre qualificative pour la phase finale du Mondial 74 (Allemagne de l'Ouest). Rarement arbitrage scélérat aura atteint un tel degré dans l'histoire du football et rarement un pays aura autant été lésé dans ses droits que le Maroc, qui restera dans la mémoire des puristes l'équipe nationale qualifiée à ce WM 74 même si cette qualification appartiendra au virtuel du fait d'un grave déni, d'un arbitraire qui fera date et même école jusqu'à faire entrer dans la postérité le major Lamptey comme l'un des referees les plus honnis de la planète. Et comme il existe quelque part une justice immanente, le Zaïre servira de piteux sparring-partner, pour ne pas dire d'essuie-pieds, aux nations de la poule où il sera versé. Mieux, il leur permettra de soigner leur goal-average parce qu'il terminera le premier tour avec 14 buts à son passif, dont un mémorable 9/0 face à la Yougoslavie. Or, les Marocains avaient déjà réalisé un superbe parcours au Mondial de Mexico en réalisant deux nuls qui seront malheureusement insuffisants pour espérer passer au deuxième tour. Mais, est-il besoin de rappeler que la corruption et les attitudes de ripoux du corps arbitral africain obéissaient à des mœurs institutionnalisées au niveau du continent et plus que tolérées par une FIFA moins propre qu'aujourd'hui parce que ses dirigeants y trouvaient largement leur compte dans la mesure où football rimait avec politique. Et même si, fondamentalement, les choses n'ont pas tellement changé à ce jour, il existerait, toutefois, une forme de pudeur, voire d'honnêteté, quoique sujette à caution, dans l'administration de l'instance internationale qui ne permet plus bafouer la morale par le travestissement des résultats avec la complicité d'arbitres fantoches. Il faut, par voie de conséquence, remettre dans son contexte la méthode de désignation des arbitres, lesquels répondaient souvent à une raison d'Etat, elle-même sous-tendue par une corruption à d'autres niveaux. Et c'est un peu dans ce contexte qu'il y a lieu de rappeler et, surtout, de ne pas occulter le sacre de Bokassa 1er, autoproclamé empereur, un sacre auquel ont assisté les plus grandes personnalités du monde politique, à commencer par la France, le Royaume-Uni mais également le monde des affaires. Dans la même foulée, autant rappeler l'anecdote de la plaquette de diamants d'une valeur de 100 000 000 de francs lourds à la fin des années 1970 remise par ledit empereur à Valéry Giscard d'Estaing, alors président de la République française. C'est donc dans cet esprit que, quelque part, le Zaïre de Mobutu Sese Seko, avec ses mines de diamant et les compagnies étrangères qui pillaient le sol, a obtenu le coup de pouce nécessaire pour effectuer le déplacement en RFA. C'est sur dans un continent plus que caricatural dans sa partie (géographique) noire qu'évoluaient les équipes du Maghreb, dont les chances de passer des tours préliminaires dans des conditions normales étaient des plus minimes. La situation évoluera heureusement après que celles-ci (les équipes maghrébines, ndlr), aient justifié leur réputation sur le terrain et la Tunisie ouvrira la voie au mondial d'Argentine (1978) en fournissant un premier tour de rêve et ratant de peu son passage au deuxième. L'Algérie confirmera l'émergence définitive des pays du Maghreb sur le reste de ceux du continent en terminant à égalité de points avec la puissante RFA et devant le Chili qu'elle avait battus (1-2) et (2-3) en alliant art et manière jusqu'à obtenir l'adhésion totale du public ibère. Pourtant, c'est encore une question de corruption et certainement à très haute échelle, cette fois-ci au sein de la FIFA qui boutera l'EN Algérie du Mondial espagnol, en ce sens que notre pays remettait littéralement en cause l'ordre établi. Etait-il possible de garantir une bonne réussite du Mondial sans l'Allemagne fédérale à laquelle était totalement acquise la FIFA, dont les responsables, cela est de notoriété publique, émargeaient auprès de bailleurs de fonds privés teutons. C'est dire que, si la corruption est une tache indélébile parmi les responsables du football africain, sans conteste, ces derniers ont appris à la bonne école et ne font que faire dans le plus «parfait» des mimétismes. Toutefois, il ne serait pas logique de rien qu'une morale s'est graduellement installée au sein des instances internationales du football et pour cause, évidemment, la dimension prise par le football qui n'est plus le seul spectacle des pays développés dans lequel les nations du reste du monde viennent juste pour jouer les faire-valoir ou pour en rajouter à l'exotisme. Les parcours de l'Algérie, du Maroc, du Cameroun, du Nigeria mais aussi et surtout la dernière prestation du Sénégal en sont la preuve éclatante. Dès lors que ces nations font partie dorénavant du gotha mondial, il n'était plus question de les laisser livrées à elles-mêmes et de fermer les yeux sur les dépassements qui avaient lieu au cours des différentes phases éliminatoires. En acceptant enfin, en respect à la charte olympique, de moraliser les compétitions et en se moralisant elle-même, la FIFA a conduit des pays naguères anecdotiques dès qu'il s'agit de parler de leur participation dans une phase finale de Coupe du Monde ou des jeux Olympiques à se respecter eux-mêmes et forcer le respect des autres. A. L.