Le concept de patrimoine reste encore flou en Algérie. Lors d'une sortie, nous avons constaté que la plupart des citoyens que nous avons rencontrés, dont la plupart étaient des étudiants, restaient sans réponse à notre question sur ce qu'est le patrimoine. Notre première destination est l'université de droit de Ben Aknoun, où nous rencontrerons Dalila, étudiante en 2ème année qui, dès l'abord, ne paraît pas très intéressée par la culture. Le mot patrimoine ne lui dit rien. Il aura fallu expliquer en arabe pour qu'elle nous lance : «Je suis prise par mes cours qui durent généralement jusqu'à la fin de la journée et je ne peux pas me permettre de rentrer tard chez moi.» Quant à Souad, étudiante à l'Institut des sciences de l'information et de la communication de Ben Aknoun, elle nous a surpris par sa réponse : «Je ne suis pas intéressée par ce domaine, à vrai dire je ne l'aime pas !!» Les autres jeunes que nous rencontrerons tiendront, à peu de chose près, les mêmes propos. Paradoxalement, c'est monsieur Tout-le-monde qui semble plus intéressé que les universitaires. Jallel, habitant Staoueli, dira : «Oui, le patrimoine est très important pour moi et il faut savoir le préserver.» Ce jeune citoyen a expliqué que, lors de ses visites dans certains musées, il a été déçu par le manque de visiteurs et aussi par la mise en valeur du patrimoine qui, d'après lui, laisse à désirer. D'autres personnes se montreront tout aussi intéressées par les vestiges et leur préservation. Direction l'est du pays, au nord de Constantine, où nous avons constaté de visu une scène de dénigrement du patrimoine très choquante. A Hammam El Maskhoutin (le bain des damnés) du nom d'Aquae Thiblitanae dans l'Antiquité, des gens lavaient leur linge, aveugles à la beauté de ses cascades pétrifiées de 500 mètres de large et huit mètres de haut. Pis, des jeunes sont même allés jusqu'à y faire rentrer leurs motos pour les laver avec cette eau thermale indiquée pour le traitement de la goutte, des rhumatismes, du paludisme, des varices et des affections gynécologiques. Cette dernière scène illustre bien quelle est l'idée du patrimoine dans l'esprit des Algériens. Qui est responsable de cette ignorance et de ce désintérêt des jeunes ? Est-ce la nonchalance des pouvoirs publics ou le manque de vulgarisation de la culture et de sensibilisation quant à son importance ? C'est certainement les deux à la fois. Et c'est là qu'il faut intervenir, sur les deux fronts, si on entend sauver notre patrimoine. F. B.-C. Définition du patrimoine Le patrimoine est étymologiquement défini comme l'ensemble des biens hérités du père (de la famille, par extension). En effet, patrimonium signifie héritage du père en latin ; la notion est apparue au XIIe siècle. En droit civil, le législateur l'entend comme l'ensemble des biens et des obligations d'une personne, envisagé comme une universalité de droit, c'est-à-dire comme une masse mouvante dont l'actif et le passif ne peuvent être dissociés. Le patrimoine fait appel à l'idée d'un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact aux générations futures. On dépasse donc la simple propriété personnelle. «L'héritage ne se transmet pas, il se conquiert», disait André Malraux.