De notre correspondant à Constantine A. Lemili évoquer le Panaf dans le pays profond et avec des gens plus préoccupés par un implacable quotidien qu'à gloser sur «comment faire la fête» était, pour nous, à la limite du ridicule, notamment quand il fallait arrêter dans une course qui semble effrénée un citoyen ou une citoyenne lambda pour leur demander leur avis sur une ville qu'un soleil de plomb depuis quelques jours avait littéralement transformée en cité incandescente. Il n'empêche que, pour notre premier contact, ce sont deux jeunes femmes au demeurant très africaines, en raison des coloris très chatoyants de leurs habits, l'une d'elles portant des dreadlocks, l'autre la chevelure crépue à escient, ballerines et spartiates aux pieds, on eût dit alors que ce hasard nous l'avions calculé sachant qu'à la question : «Si nous disons Panaf, ça rimerait à quoi pour vous ?». Franche rigolade en guise de première réponse et plus sérieusement ensuite non sans un air de regret : «La fête, une mégafête que nous vivrons malheureusement à distance», l'une de nos deux interlocutrices n'hésitant pas à affirmer le contraire : «Quand on aime, on ne compte pas. Il n'est pas exclu que personnellement je fasse le déplacement ne serait-ce que pour vivre l'événement un jour seulement.» De concert, elles affirment que Panaf rime avec «danses, belles Africaines, nous avons des amies camerounaises et abidjanaises. Elles font honneur à leur pays par leur éducation, leur intelligence et surtout leur beauté. Le Panaf, c'est aussi Myriam Makeba.» Feue la diva reste effectivement le dénominateur commun de ce qu'est le Panaf chez tous ceux que nous avons approchés. Quoique, pour une bonne partie des hommes, notamment les sexagénaire leur sensibilité politique de l'époque déclassait la mémoire en ce sens que certains se souvenaient de représentants de Black Panthers lors du festival, voire Spike Lee lequel est-il besoin de le souligner avait l'âge de 12 ans en 1969. Un jeune homme d'une trentaine d'années environ tout sourire : «Le Panaf, c'est plutôt un truc cinéma… musique mais quoi qu'il en soit, c'est africain à fond la caisse.» Il considère que c'est génial pour le pays de «rapprocher les peuples autrement que par la politique même si quelque part une telle manif ne peut y échapper. La preuve est fournie régulièrement en sport. Je trouve toutefois dommage qu'un tel évènement ne rejaillisse pas sur les régions du pays profond et surtout qu'il n'y ait même pas de signes annonciateurs d'une manifestation de cette envergure pour laquelle vous me dites que c'est un budget de près de 600 milliards de centimes qui va être consacré. Peut-être que d'ici le début du mois de juillet ça se précisera autrement». H. B., diplômé universitaire, est journaliste depuis deux mois «Le Panaf… Je crois que l'Algérie est qualifiée, non ? Il lui reste à gagner quelques points à l'extérieur et de gagner le reste ici pour aller en Afrique du Sud… Non ?» Pas facile d'expliquer à un confrère qu'il est totalement à côté de la plaque. A contrario, pour H. K., de la Chaîne III qui, pour le premier Panaf, venait d'entrer à l'école primaire et donc, n'en garde pas souvenance, résume bien la situation : «40 ans après, j'espère que ce sera encore la fête de l'Afrique comme j'espère que les artistes africains seront les plus représentatifs du continent et non pas ceux à la mode ramenés pour la circonstance de leur exil doré européen ou américain. Maintenant, si ça reste concentré uniquement sur Alger, ce serait dommage.» Med Z. est gérant d'un commerce d'équipements multimédias : «Oui, c'est une bonne idée et une initiative qui rajoute du crédit à notre pays. Dommage que l'événement soit limité à la capitale et sa périphérie. Heureusement, nous avons aussi Dimajazz qui nous change un peu de la torpeur ambiante annuelle. Je crois sincèrement que le contact des cultures entre elles ne peut qu'apporter l'amitié, la sérénité et la concorde entre les habitants du continent. Franchement, ras-le-bol de la médiatisation de l'Afrique autrement que par les conflits interethniques, comportement ignominieux de godillots, corruption, sida, etc. Faire la fête, c'est nettement mieux et ça permet de rappeler aux différents régimes que les peuples peuvent exister, se connaître et s'aimer sans eux.»«Vous voulez dire le Panaf ou la Panaf ?». Nous saurons après que Nacer B., cadre de l'Etat à laretraite, voulait visiblement plus en... jeter qu'il ne faisait dans la confusion spontanée. Parce qu'il se rattrapera tout de suite après, non sans pédantisme excessif : «Je croyais que vous parliez des bisbilles de Françoise Panafieu, la femme politique française [dont c'est effectivement le diminutif auquel ont recours certains journalistes satiriques de l'hexagone]. Quoiqu'il en soit, parler de grand intérêt ou d'engouement à l'endroit de cet événement chez les Constantinois serait proférer un gros mensonge. Mais il est utile de souligner que le désintérêt est, en fait, général pour les habitants de la ville des Ponts, lesquels, fête pour fête, préfèrent les leurs, autrement dit entre amis, familiales parce que ce sont les seules qui permettent de sortir du conformisme par obligation.Leur Panaf… ils se le font avec parfois rien du tout. Pour se consoler, les nostalgiques se souviendront surtout que le commissaire du premier Festival panafricain était constantinois : Malek Haddad.