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Fin du Panaf, faim de culture
Le festival à l'heure des bilans
Publié dans La Tribune le 23 - 07 - 2009


Photo : Hacène
Par Abderrahmane Semmar
C'est la fin. Le rideau est tombé lundi soir sur le Panaf. 15 jours de concerts, d'expositions, de colloques et de diverses activités culturelles ont illuminé la capitale et plusieurs autres villes du pays. De ces villes naguère taciturnes, tristes et moroses, le Panaf a réussi à faire des scènes de musiques où l'ambiance et la liesse ont fait de l'ombre aux étoiles. L'Algérie, de sa capitale jusqu'à ses villes de province, a vibré aux rythmes de l'Afrique durant deux semaines. Oui, deux semaines ont suffi pour que les Algériens rompent avec la monotonie quotidienne et se réconcilient avec la fête et la joie de vivre. De l'avis commun des citoyens, ce Panaf était une véritable bouffée d'oxygène. Des familles assistaient avec bonheur à des concerts donnés par des artistes flamboyants. Qu'on se le dise en toute franchise, il faut remonter à deux décennies pour retrouver le souvenir d'une Algérie aussi joviale et allègre.Mais à l'heure du bilan, rigueur
intellectuelle oblige, l'optimisme béat est certainement mal placé. Au-delà de la dimension festive de l'événement, il est légitime de se demander si le Panaf a apporté une réelle dynamique culturelle.A ce propos, un débat passionné est au cœur de l'actualité. Pour certains, grâce au Panaf, en l'espace de deux semaines, les citoyens algériens ont vécu des moments forts et se sont imprégnés du riche patrimoine culturel africain. Depuis son inauguration, le 5 juillet dernier, par un méga-concert à Alger, le Panaf a permis aux amoureux du cinéma de suivre le Festival international du cinéma d'Alger, qui a vu la projection de plus de 120 films de fiction et documentaires, algériens, africains et afro-américains. Par ailleurs, c'est à la faveur de ce Panaf que l'Algérie s'est proposé d'accueillir les assises du cinéma africain à Alger en 2010.
D'autre part, le Panaf n'a pas marginalisé le théâtre. Le 4ème art a eu la part belle également, avec l'organisation du Festival international du théâtre professionnel qui a vu la présentation au public de plusieurs pièces aussi bien algériennes qu'africaines non seulement au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi, mais dans différentes autres salles des villes algériennes. Au titre des colloques, plusieurs conférences spécialisées animées par des hommes de lettres, de culture et d'historiens. On citera le colloque international consacré à la pensée et l'œuvre de Frantz Fanon, ou encore celui réservé à l'art et l'esthétique, et celui consacré à la colonisation. Les arts plastiques n'ont pas été en reste et de nombreuses expositions d'artistes algériens et africains aussi bien individuelles que collectives ont été tenues durant ces quinze jours du Panaf. Un symposium des écrivains africains s'est tenu à Alger en présence d'un chapelet de grands écrivains africains. Les travaux ont attiré une foule nombreuse et les communications ont suscité des débats intéressants. Fort heureusement, un colloque portant sur la littérature africaine sera organisé en novembre prochain à Alger. Les amoureux des lettres ne resteront donc pas sur leur faim.
La bande dessinée était également présente au cours de cette manifestation. On citera, entre autres, l'organisation d'une exposition sur le talent et l'esprit de créativité des jeunes bédéistes africains, mais aussi l'exposition d'arts africains qui a regroupé à Alger une soixantaine d'artistes africains. Même la richesse et la beauté des pièces artisanales produites sur le continent africain ont été mises en valeur à l'occasion du 1er Salon de l'artisanat d'art africain qui a duré jusqu'à la clôture du festival. La musique, quant à elle, tous genres confondus, a meublé depuis l'ouverture du festival les soirées des Algérois et des mélomanes d'autres villes du pays. Des musiciens algériens et africains de renom ont animé ces soirées musicales, quinze jours durant, enflammant un public connaisseur. Cependant, rétorquent d'autres, à maintes reprises, les couacs de l'organisation ont failli gâcher la fête. D'abord, l'accréditation des journalistes pour la couverture médiatique du Panaf ne s'est guère faite dans des conditions sereines. De nombreux journalistes, nationaux comme étrangers, ont dû prendre leur mal en patience avant de décrocher leur badge, précieux sésame qui leur a permis de travailler tranquillement durant tout le festival.
Certains d'entre eux n'ont pu avoir leur badge que deux ou trois jours avant la clôture ! C'est ce qui explique que beaucoup n'ont pu se rendre aux diverses manifestations organisées dans le cadre du Panaf 2009. A n'en point douter, le comité d'organisation aurait vraiment dû mieux gérer l'accréditation des journalistes, laquelle a frisé par moments le ridicule tant les difficultés rencontrées par les journalistes sur le terrain étaient de l'ordre de l'absurde. La communication du comité d'organisation de cette deuxième édition du Panaf était loin d'être sérieuse. A aucun moment, le public n'a pu se procurer le programme précis et détaillé des manifestations du Panaf. Il fallait attendre que les journaux publient dans leurs colonnes les agendas du jour pour que le public puisse connaître les dates et les horaires de tels concerts ou de telles expos. Ce n'est qu'à la deuxième semaine du Panaf que des dépliants et des fascicules ont été disponibles dans les salles de cinéma et celles qui abritaient les colloques et les symposiums. Et pourtant, ce n'est guère la mer à boire d'imprimer en quantité des brochures et de les distribuer au profit d'un public, qui, par moments, ne pouvait que compter sur le bouche-à-oreille pour se rendre à telle ou telle manifestation. Néanmoins, la sécurité des sites accueillant les manifestations est certainement la préoccupation qui a été la plus soulignée par le public. Que ce soit à l'OREF où à la Grande Poste, Kettani, El Harrach, et ailleurs, les agents de l'ordre ont souvent été dépassés par l'ampleur de la foule, où parfois se retrouvaient des fauteurs de troubles et des voyous. On a vu dans certains cas des bagarres, voire des batailles rangées, se déclencher. Des incidents, il y en a eu et certains ont même failli mettre en péril le déroulement de quelques concerts. Dieu merci, un climat serein a plané sur la majorité des événements organisés pour cette deuxième édition de ce Panaf. Le civisme d'une bonne partie du public a fait en sorte que beaucoup de concerts se déroulent dans une ambiance joyeuse et conviviale.
Sur un tout autre chapitre, ce Panaf nous a démontré encore une fois que la culture, au-delà des cercles et des administrations qui lui sont voués, n'intéresse pas grand monde. Au cours des deux semaines du Panaf, nous n'avons pas vu des présidents d'APC courir à gauche et à droite pour promouvoir la culture africaine dans leurs communes. Peu d'organismes étatiques ont eu l'idée de s'impliquer dans ce Panaf en organisant en parallèle des événements culturels. Même le mouvement associatif était aux abonnés absents dans la mesure où presque aucune association n'a contribué à la promotion du Panaf, de ses valeurs culturelles et travaillé à leur socialisation. Enfin, plusieurs observateurs avertis n'ont pas omis de signaler que le citoyen lambda a boudé, la plupart du temps, presque toutes les manifestations livresques, picturales et cinématographiques. Seules les manifestations musicales ont eu un écho dans le cœur des Algériens. Cela prouve que la culture en Algérie reste prisonnière d'une élite, si réduite soit-elle. Une élite dont les contours restent toujours à déterminer. Mais réussira-t-on réellement un festival de l'envergure du Panaf avec seulement une élite ? Rien n'est moins sûr… En vérité, le Panaf s'est achevé en laissant derrière lui non pas une fin de la culture mais une faim de culture car le défi que l'Algérie n'arrive toujours pas à relever est de rendre populaire coûte que coûte la culture…


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