Des ateliers de formation dédiés au conte en tant qu'art «à part entière» se tiennent à Constantine. Les conteurs grenoblois (France), Amar Amara Madi et Jennifer Anderson, qui encadrent ce stage en vertu de la convention de jumelage liant le chef-lieu de l'Isère à la ville du Vieux Rocher, ont su démontrer que le conte est véritablement «un art au sens plein du terme». En plus de l'enseignement des techniques et autres ficelles à des amateurs venus d'associations culturelles, notamment théâtrales, ces journées programmées à chaque fois dans une salle différente de la ville se terminent par des «spectacles» de conte, animés par les stagiaires et leurs encadreurs. Ces journées ont montré que le conte, cet art de grands-mères, griots et autres troubadours, possède des «férus» à Constantine, que ce soit comme pratique artistique ou comme sujet de recherche, et qu'il pourrait devenir un art majeur quand il est exécuté par de vrais professionnels. D'origine algérienne, plus exactement de Guelma, Amar Amara Madi, qui conte assis sur une chaise, préférant «laisser les mots se suffire à eux-mêmes», a su, rien que par la magie des mots, transporter son auditoire dans le monde du fantastique et du merveilleux qui ne fascine pas que les enfants. Pour ce conteur qui possède l'art de dire des histoires mais également d'en improviser et d'en inventer, «tout est dans le récit, la manière de le relater, de le raconter, dans le verbe, l'intonation, la diction». Jennifer Anderson, qui a fait du théâtre pendant 10 ans avant de se spécialiser dans le conte, a, en revanche, un style différent qui s'apparente au monologue et au one-man-show et utilise la gestuelle théâtrale et la musicalité des mots dont elle use à merveille pour illustrer ses histoires. M. Madi, qui dit avoir une prédilection pour les contes véhiculant un message de sagesse, est un grand admirateur de Mouloud Mammeri. Il se désole de voir aujourd'hui ses «nombreux et magnifiques recueils de contes», presque engloutis dans l'oubli. Il a d'ailleurs raconté le conte le Charbonnier de l'auteur de l'Opium et le Bâton ainsi que d'autres histoires du répertoire populaire et de sa création propre d'une manière ayant charmé le public qui a presque oublié que ces histoires sont dites dans la langue de Voltaire tant l'âme qui en émane sent bon le terroir algérien et convoque son esprit, d'autant qu'il les ponctue de temps à autre de phrases en arabe dialectal et d'expressions et de dictons populaires.L'un des plus grands mérites de ces ateliers demeure donc sans conteste, selon un participant, d'avoir fait venir à Constantine ce conteur «talentueux qui marie l'humour, les devinettes, les proverbes» et qui, même s'il rassemble dans son répertoire des contes de tous horizons, se distingue par un style qui n'est pas sans évoquer le conteur public de rue : le «goual» maghrébin ou le «hakaouati» du Machreq.